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Analyse du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics

Photo du rédacteur: Flo RentFlo Rent

Dernière mise à jour : 26 déc. 2023



Cour des comptes

A partir du 1er janvier 2023, le nouveau régime d’engagement de la responsabilité financière des gestionnaires publics entre en vigueur. C’est un régime de responsabilité unifiée entre les ordonnateurs et les comptables publics. Il a été initié par la loi de finances pour 2022 et traduit par l’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. 


La réforme s’inscrit dans la démarche de responsabilisation des gestionnaires publics portée par le programme Action Publique 2022 et dans le prolongement des conclusions du rapport établi par Jean Bassères le 20 juillet 2020 visant à faire évoluer le régime de la responsabilité des ordonnateurs et des comptables.


La première grande étape avait été celle de la réforme de la LOLF par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Elle a notamment pour objectifs d’améliorer la qualité des échanges budgétaires et de consolider le rôle central du Parlement dans l’examen et le contrôle des finances publiques.


Un an plus tard, le 22 décembre 2022, deux décrets ont été adoptés en Conseil des Ministres pour appliquer l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics et qui entrent en vigueur au 1er janvier 2023. Il s’agit :




Le premier décret concerne essentiellement les juridictions financières et leurs justiciables. Il vise à modifier la partie réglementaire du code des juridictions financières. Si ce décret précise les règles d’instruction et de jugement de la chambre du contentieux et de la Cour d’appel financière, il en précise également l’organisation, les procédures et les règles relatives à sa composition.







Le second décret abroge les dernières références au jugement des comptes et aux procédures qui y étaient associées. Il supprime les réserves pouvant être formulées par les comptables à l'occasion de leur installation ainsi que leur obligation de cautionnement. Toutefois, les missions de contrôle des comptables ne sont pas modifiées. 


La fin du jugement des comptes se traduit par la suppression de la transmission automatique des comptes et des pièces justificatives à la Cour des comptes et aux chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC). Ce décret précise les conditions de production des comptes, des pièces justificatives ainsi que leurs modalités de conservation et d'archivage.


La prestation de serment devant le juge des comptes est remplacée par une prestation de serment devant une autorité administrative que le décret désigne. 


Ce décret précise en outre les conditions de signalement des faits susceptibles de constituer une infraction. Le décret instaure une procédure simplifiée pour la libération du cautionnement des comptables et régisseurs. Cela les dispense de présenter un certificat de libération de leur cautionnement. Pour ce faire, deux conditions sont nécessaires : 


  •  Ne pas avoir fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de leur responsabilité personnelle et pécuniaire notifié avant le 1er janvier 2023 ;

  • Et s’être acquitté de l'ensemble des sommes mises à sa charge au titre d'un débet ou d'une somme non rémissible. 


Le décret fixe également les conditions de prise en charge des déficits résultant exclusivement des fautes ou des erreurs des comptables publics de l'État. 



Le cadre général de la responsabilité financière des gestionnaires publics a été fixé par l’ordonnance du 23 mars 2022 : champ d’application, sanctions et juridictions seront présentés (I.). Cette réforme est précisée par deux décrets. Le premier a des conséquences institutionnelles et procédurales (II.) Le second permet d’unifier la juridiction financière en précisant tous les aspects juridictionnels relatifs à cette réforme (III.). 



  1. Le cadre général de la responsabilité financière des gestionnaires publics fixé par l’ordonnance du 23 mars 2022 


L’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics prévoit le champ des justiciables de la nouvelle juridiction et le périmètre des infractions concernées (A.) Elle prévoit en outre les sanctions applicables et une juridiction unifiée (B.). 


  1. Champ d’application : justiciables et périmètre des infractions concernées


  1. Les justiciables 


L’article L131-1 évoque la liste des justiciables concernés par cette responsabilité unifiée. Il s’agit de :


  • Toute personne appartenant au cabinet des membres du gouvernement, des présidents de régions et assimilés, présidents de départements et assimilés, maires ;


  • Tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;


  • Tout représentant, administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale des comptes ou d'une chambre territoriale des comptes.



Tout agent exerçant dans une entité contrôlée par les juridictions financières est donc justiciable. La notion de gestionnaire public englobe notamment les ordonnateurs et les comptables. Il faut y ajouter les régisseurs ainsi que les dirigeants d’entreprises publiques y sont intégrés. 


Le régime de responsabilité unifié prévoit que les justiciables sont l’ensemble des agents publics, ordonnateurs, comptables à l’exclusion des ministres et des élus locaux sauf en cas de gestion de fait. 


Le code prévoit également le champ des exclusions. Il s’agit des autorités politiques citées à l’article 131-2 CJF : notamment les membres du gouvernement, les présidents de régions, départements, les maires. Il existe des mécanismes d'exonération pour les agents d'exécution lorsqu’ils agissent conformément aux instructions du supérieur hiérarchique. Les circonstances exceptionnelles ou constitutives de force majeure font également obstacle à cette responsabilité. 


  1. Les infractions 


Les infractions concernées sont : 


  • La faute grave ayant causé un préjudice financier significatif. Le caractère significatif du préjudice financier est apprécié en tenant compte de son montant au regard du budget de l'entité ou du service relevant de la responsabilité du justiciable. Il s’agit d’une appréciation casuistique. Par exemple : la répétition des carences dans l'organisation du contrôle interne d’un établissement public de retraite avait été jugé comme “introduisant un grave désordre”. Cela pourrait sans doute être qualifié de faute grave au sens de cette infraction.


  • La faute relative à l'exécution des recettes, des dépenses et à la gestion des biens ;


  • La faute de gestion à la direction d’une entreprise publique ou d’un EPIC ;


  • Faire échec à une procédure de mandatement d’office ;


  • Procurer un avantage injustifié à une personne morale, à autrui ou à soi-même par intérêt personnel direct ou indirect ;


  • La méconnaissance de l’obligation de production des comptes ;


  • L'engagement d’une dépense en méconnaissance des règles de contrôle budgétaire;


  • L’engagement d’une dépense sans en avoir le pouvoir ou la délégation ;

  • Des agissements conduisant à la condamnation de la personne publique à une astreinte en raison de l'inexécution totale, partiel ou tardive d’une décision de justice ;


  • La gestion de fait. C’est-à-dire le maniement non autorisé de deniers publics par une personne non habilitée. Elle peut porter sur les recettes et/ou les dépenses. La notion de gestion de fait peut concerner un large panel de personnes. La réforme des gestionnaires publics le rappelle effectivement. En outre, les sanctions financières de cette infraction présentent certaines spécificités, notamment en matière de cumuls. (Cf. article à paraître prochainement sur la gestion de fait).

  1. Sanctions : une amende correspondant à 1 à 6 mois de rémunération


Le code prévoit le régime des sanctions. La juridiction peut prononcer une amende maximale correspondant à six mois de rémunération annuelle. Certaines infractions ne conduisent qu’à une amende d’un montant maximal d’un mois de rémunération annuelle.


Dans tous les cas, les sanctions sont individualisées : elles tiennent compte du cas d’espèce, de la gravité des faits reprochés, d’une éventuelle réitération de pratiques prohibées et le cas échéant de l'importance du préjudice causé à l'organisme.


Le montant de l'amende ne saurait excéder le montant de celle encourue au titre de la sanction la plus élevée. Lorsqu’une pluralité d’infractions financières a été commise, le montant de l’amende correspondra à l’amende la plus élevée. Une dispense de peine peut être accordée par la juridiction si le dommage causé est réparé ou si le trouble a cessé (L.131-19 CJF).


  1. Une sanction “non-rémissible, non assurable”


Le texte n’évoque rien s’agissant de la protection par des assurances. Dans le silence de la loi, le juge interprète en se basant notamment sur les travaux préparatoires. Effectivement, Laurent Saint-Martin, vice-président de la commission des finances de l’Assemblée nationale et ancien rapporteur du budget, avait réalisé un rapport sur l’article 41 du projet de loi de finances. Selon lui, le régime de sanction est « non rémissible, non assurable ».

Le caractère non-rémissible de la sanction s'apprécie en amont de la phase juridictionnelle. En effet, la remise gracieuse ne présente plus d’objet avec la fin de la responsabilité́ personnelle et pécuniaire et la suppression en conséquence des débets. L’engagement ou non de la responsabilité financière sera à présent décidée par le juge financier. 


Toujours est-il que ce régime se rapproche du régime pénal sans pour autant s'y inscrire. Il s’agit d’un caractère “para-pénal” qui peut ressembler aux sanctions administratives prononcées, par exemple, par l’autorité des marchés financiers. Il n’est pas possible d’assurer des sanctions pénales : cela contrevient à l’ordre public.


Il peut être aussi relevé que si la faute en cause s’apparente à une faute grave, elle peut également engager la responsabilité pénale de son auteur au titre notamment de la prise illégale d'intérêt ou de la concussion (articles 432-12 et 432-10 du code pénal). En outre, l'article L. 142-1-12 nouveau du CJF pose le principe suivant lequel « les poursuites devant la Cour des comptes ne font pas obstacle à l'exercice de l'action pénale et de l'action disciplinaire ». S’agissant des règles de cumul et de plafonnement, le lecteur est invité à se référer à l’article à paraître : Les contours de la gestion de fait : faits générateurs, champ d’application et cumuls de sanctions


Le principe est affirmé par le code civil : “l’on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs”. De ce point de vue, les sanctions infligées ne semblent pas pouvoir être assurées. 


  1. La protection fonctionnelle du justiciable 


En mars 2022 est publié le code général de la fonction publique. Celui-ci reprend les dispositions relatives à la protection fonctionnelle. En termes de protection fonctionnelle que la collectivité peut apporter à des agents, l’article L134-4 n’évoque que les poursuites pénales. Ce même code prévoit pourtant les poursuites disciplinaires et financière, mais n'évoque guère la protection fonctionnelle pour ces cas précis. Dès lors, la protection fonctionnelle ne semble pas, à tout le moins juridiquement, être prévue pour cette responsabilité financière. Une précision des textes serait alors bienvenue. Le CGFP distingue la responsabilité pénale de la responsabilité financière devant la CDBF aux articles L125-1 et L125-2. Si la protection fonctionnelle constitue un principe général du droit, le juge administratif n’a pas considéré que ce dernier avait vocation à toutes les juridictions administratives répressives. L’accord de la protection fonctionnelle dans le cadre du nouveau système de responsabilité financière est donc effectivement incertain. 



  1. Les juridictions 


En première instance, il s’agira de la Cour des comptes (V. Infra III). Les décisions rendues par la Cour des comptes en première instance, sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel financière nouvellement créée (V. Infra III). L’appel est suspensif de la décision rendue par la chambre du contentieux, contrairement aux règles de droit commun pour les juridictions administratives. Le Conseil d’État demeure toujours compétent en cassation. 



  1. Les conséquences du régime unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics mis en œuvre par le décret n° 2022-1605 du 22 décembre 2022


Ce décret tire les conséquences nécessaires de la réforme en procédant, à l'échelon réglementaire, à plusieurs suppressions (A.) ainsi qu’à plusieurs modifications et créations (B.).


  1. La suppression de la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), du jugement des comptes et de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics


Le décret prend acte de la suppression de la CDBF (1.) de la fin du jugement des comptes (2) du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ainsi que de l'obligation de cautionnement de ceux-ci (3).


  1. La suppression de la CDBF et création d’une juridiction unifiée


La CDBF est supprimée au 1er janvier 2023, le présent décret en prend acte en supprimant toute référence à cette Cour dans les différents codes (CRPA, CJA, CGCT…) et dans les textes non codifiés. Il prend acte de la création de la cour d’appel financière.


  1. La fin du jugement des comptes et de leur transmission automatique


Le décret supprime la transmission automatique des comptes et des leurs pièces justificatives à la Cour des comptes et aux CRTC. Cela est remplacé par une nouvelle définition de leur production, ainsi que par la définition de nouvelles modalités de conservation et d’archivage des pièces justificatives. En effet, l’article 151 nouveau du décret GBCP prévoit que : “Les comptes des comptables publics principaux de l'Etat sont produits sur une plate-forme d'archivage électronique ou une application informatique, ou, dans le cas où les pièces ne sont pas dématérialisées, sur support papier, au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle au titre de laquelle ils sont établis.” S'agissant des pièces justificatives, le texte de référence pour l’Etat est : l’arrêté du 5 mai 2021 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l'Etat 


  1. La suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, des réserves et de l’obligation de cautionnement 

Le décret supprime toutes les références au jugement des comptes et aux procédures qui y étaient associées à l'échelon réglementaire.

Les procédures d’installation des comptables et assimilés sont allégées, les réserves pouvant être formulées sur la gestion de ses prédécesseurs sont supprimées au même titre que l’obligation de cautionnement.


Près de 20 codes sont modifiés dans leur partie réglementaire par le décret. Des dispositions sont prévues pour trois grandes catégories que sont :


  • Les comptables publics et assimilés et les régisseurs ;

  • Les comptables des organismes de sécurité sociale et de mutualité agricole n’ayant pas le statut de comptable public ;

  • Les trésoriers militaires.


En outre, le décret opère certaines modifications relatives aux indemnités des régisseurs et des comptables. En effet, il crée l’indemnité de maniement des fonds commune à ces deux acteurs. Elle remplace l’indemnité de caisse des régisseurs et l’indemnité de responsabilité des comptables publics.

Par ailleurs, la reddition des comptes devient la “production des comptes”.


B. Les évolutions substantielles du décret GBCP : modifications et créations 


Les modalités liées à la prestation de serment évoluent concernant l’autorité devant laquelle celle-ci est effectuée (1), des précisions sont apportées par le décret s’agissant de la procédure de signalement (2). Dorénavant, les pièces comptables doivent être conservées durant 5 années (3). Le décret GBCP prévoit la procédure de l’apurement comptable (4) ainsi que les délais et modalités de production des comptes (5). La prise en charge par l’État de certains déficits est précisée (6). Enfin, la définition des missions du régisseur est précisée (7).


  1. La prestation de serment des comptables publics évolue 


La prestation de serment se fait désormais devant l’autorité compétente désignée par le décret et non plus devant la Cour des Comptes/Chambre régionale et territoriale des comptes. L’autorité compétentes est définie en fonction de la qualité du comptable : 

  • Principal ou secondaire ;

  • De l’État, des collectivités, ou des établissements publics. 


Si certaines modalités de la prestation de serment ont été modifiées, son contenu semble inchangé car le décret relatif aux modalités de prestation de serment des comptables publics est toujours en vigueur. Avant d’entrer en fonction, seuls les comptables publics (et non les ordonnateurs) prêtent serment devant l'autorité compétente pour le recevoir dans les termes suivants :

" Je jure de remplir mes fonctions avec exactitude, diligence, probité et fidélité, de me conformer aux lois et règlements qui ont pour objet d'assurer l'inviolabilité des fonds et valeurs, l'emploi régulier des fonds publics et la sauvegarde des droits des organismes publics dans le cadre des gestions et contrôles qui me sont confiés".

Cette prestation s’inscrit dans le prolongement de la mise en œuvre des principes de valeurs constitutionnelles : “Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière” (article 47-2 de la Constitution du 4 octobre 1958). 


Pour les comptables publics de l’État cités à l’article 79 du décret GBCP, il est prévu que la prestation de serment se fait devant le directeur général des finances publiques. Pour les opérateurs et établissements publics du pôle ministériel, cette prestation se fait devant le directeur départemental des finances publiques dans le ressort duquel siège l’organisme.



  1. La procédure de signalement du comptable public auprès de l’ordonnateur est précisée par le décret 


Lors des contrôles du comptable portant sur les ordres de payer de l’ordonnateur, le comptable peut signaler des faits susceptibles de constituer une infraction au sens de l'article L. 131-9 du code des juridictions financières. L’article L.131-7 CJF prévoit le signalement du comptable à l'ordonnateur de toute opération qui serait de nature à relever des infractions prévues à l'article L. 131-9. Le décret ajoute quelques précisions sur cette procédure. Lorsque le comptable a signalé à l'ordonnateur des faits susceptibles de constituer une infraction, l’ordonnateur doit informer le comptable des suites qu’il donne à ce signalement. En l’état, aucun formalisme ne semble exigé. Toujours est-il que la traçabilité doit-être assurée. 


  1. La conservation des pièces comptables durant 5 ans


L’article 52 alinéa 2 du décret GBCP prévoit désormais que les pièces justificatives doivent être conservées “jusqu'au 31 décembre inclus de la cinquième année suivant la date d'exécution de l'opération qu'elles justifient”. 

 

  1. Les dispositions relatives à l’apurement comptable 


L'article 148 du décret GBCP est complété par la possibilité pour le comptable public de procéder à l’apurement comptable en cas d'impossibilité avérée d'obtenir la justification d'une opération. Les conditions seront définies par un arrêté du ministre du budget.


  1. Les précisions sur les délais et les nouvelles modalités dématérialisées de production des comptes


L’article 151 du décret GBCP est modifié comme suit : “ Les comptes du comptable public sont produits sur une plate-forme d'archivage électronique ou une application informatique, ou, dans le cas où les pièces ne sont pas dématérialisées, sur support papier, au plus tard le 30 juin de l'année suivant celle au titre de laquelle ils sont établis. ». 


S’agissant de l’archivage électronique, un guide avait été réalisé par le ministère de l’économie et des finances (DGFiP, la DB et l’agence pour l'informatique financière de l'État) .


  1. La prise en charge par l'État de certains déficits résultants des fautes ou erreurs des comptables de l’État 


6.1. Le périmètre strictement encadré de la prise en charge des déficits par l’État 


Un nouvel article 173-2 du décret GBCP donne le périmètre des “déficits pouvant être pris en charge par l’État”.


La prise en charge par l’État de ces déficits est fonction “du quantum de la responsabilité du comptable public qui résulte de la décision définitive” de la juridiction financière. In fine, il s’agit du ministre du budget qui décide de la prise en charge par l’État de ces déficits. Au regard du montant en cause et du siège, cette décision peut appartenir au DRFiP ou DDFiP. 


Constitue un déficit pouvant être pris en charge par l'État, toute insuffisance en monnaie ou en valeur dans la caisse publique ayant fait l'objet d'une constatation matérielle, y compris à partir des documents de comptabilité, résultant : 


  • D'une perte de valeur dont le comptable a la garde ;

  • De manquements et d'erreurs de caisse notamment ceux liés à l'encaissement de fausse monnaie ; 

  • De manœuvres frauduleuses d'agent du service public comptable auprès duquel sont assignées les opérations de l'organisme public ; 


  • De manœuvres frauduleuses de tiers aux services de l'ordonnateur et du comptable sauf dans le cas où les services de l'ordonnateur de l'organisme public ont participé, même de bonne foi, à la réalisation de la fraude en intégrant dans le circuit de paiement les pièces frauduleuses relatives à l'acquis libératoire ou à la justification du paiement ; 


  • Des opérations pour lesquelles la responsabilité du comptable public de l'État ou d'un de ses agents est reconnue par décision définitive de la juridiction financière au titre des seules infractions : 


  • La faute grave causant un préjudice financier significatif (L.131-9 CJF) ;

  • Le fait d’attribuer un avantage injustifié pécuniaire ou en nature (L131-12 CJF) ;

  • Les agissements entraînent la condamnation de l’organisme à une astreinte en raison de l'inexécution totale, partielle ou tardive d'une décision de justice ; (L131-14 CJF) ; 

  • Le fait de ne pas ordonnancer la dépense suite à une condamnation dans le délai légal.



Le décret précise que cette prise en charge n’est pas intégrale dans certains cas : 


  • Lorsque le comptable ou un de ses agents est condamné conjointement avec un ou des gestionnaires publics de l'organisme public auprès duquel est rattaché le service public comptable qu'il dirige ;


  • Lorsque la décision définitive reconnaît que les agissements d'une personne mentionnée à l'article L.131-2 CJF  ont contribué à la commission de l'infraction au titre de laquelle le comptable ou un de ses agents a été condamné.


6.2. Les comptables publics de l’État concernés par ce mécanisme


La réforme prévoit que l’État prend en charge les déficits résultant exclusivement des fautes ou des erreurs des comptables publics de l'État. La logique est davantage de combler le déficit de l’organisme et non d’assurer le comptable qui demeure effectivement responsable. Le terme “exclusivement” fait obstacle à une prise en charge des déficits résultant de l’ordonnateur, en référence à l’article 32 de l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022.

La notion de comptable publics de l’État au sens de ce mécanisme a été définie par le présent décret. L’article 173-1 du décret GBCP prévoit qu’il s’agit :


1° Des postes comptables des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques assurant le service public comptable des établissements publics de santé ou médico-sociaux ou des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics ou de leurs groupements ;


2° Des agences comptables des établissements publics locaux d'enseignement relevant du ministre chargé de l'éducation nationale ;


3° Des agences comptables des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricoles relevant du ministre chargé de l'agriculture ;


4° Des agences comptables des établissements publics locaux d'enseignement maritime et aquacole relevant du ministre chargé de la mer ;


Il est à noter que les dispositions de l’article 173-1 prévoyant la liste des comptables concernés par ce mécanisme est plus limitative que la liste des comptables de l’Etat prévue à l’article 79 du même décret.



  1. La définition des missions du régisseur est précisée


Un nouvel article 22-1 du décret GBCP précise la définition des missions du régisseur et en particulier les contrôles qu’il doit exercer : “les régisseurs chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement ou de paiement sont en charge de la garde et de la conservation des fonds et valeurs qu'ils recueillent ou qui leur sont avancés par les comptables publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives ainsi que de la tenue de la comptabilité des opérations.”


La notion de contrôle est précisée. En effet, si les régisseurs de recettes sont chargés de l'encaissement des recettes, le décret prévoit qu’ils “sont également tenus d'exercer les contrôles en matière de recettes dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les comptables publics par l'article 19 du présent décret”. 


  • De la régularité de l'autorisation de percevoir la recette ;

  • Dans la limite des éléments dont il dispose, de la mise en recouvrement des créances et de la régularité des réductions et des annulations des ordres de recouvrer ;

S’agissant des régisseurs d’avances, ils réalisent les mêmes contrôles que le comptable public au sens de l’article 19. Toutefois, le contrôle des régisseurs d'avances ne porte pas sur la disponibilité des crédits. 


























 III. Une juridiction financière unifiée par le décret n° 2022-1604 du 22 décembre 2022


Le décret formalise et tire les conséquences nécessaires du triple niveau de juridiction. Il prévoit l’organisation des formations d’instruction et de jugement (A.). Des dispositions concernant la procédure de jugement des gestionnaires publics en première instance (B). S’agissant de la cour d’appel financière, des dispositions particulières sont codifiées concernant sa composition mais aussi les recours spécifiques outre le recours en cassation devant le Conseil d’État (C.). Enfin, le décret rappelle les mesures transitoires pour s’articuler avec l’ancien régime de responsabilité (D.).


  1. L’organisation de la chambre du contentieux


Le décret mentionne expressément la 7e chambre laquelle est composée “à parité, des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes affectés par le Premier président“ . La chambre du contentieux peut statuer en formation plénière ou en section.


Les membres ne peuvent être affectés plus de sept années consécutives. Le président de section est désigné pour trois années. Il est renouvelable une fois. Un quorum est prévu. Si le nombre de ses membres est inférieur à six, la chambre du contentieux ne peut délibérer. Une section ne peut délibérer si ce nombre est inférieur à trois. Il y a toutefois la possibilité de faire appel à des membres d’autres sections.


Des règles de remplacement en cas d’absence du président sont ensuite prévues : il s’agit de l’application de la règle de l’ancienneté dans la nomination.



  1. La procédure : de l’instruction au jugement des gestionnaires publics en première instance


S’agissant des suites du déféré, le ministère public dispose de deux mois pour décider soit d’engager les poursuites contre “personne dénommée ou non dénommée ; “ Soit de classer l'affaire. Le ministère public peut, s'il y a lieu, rappeler à l'auteur des faits les obligations résultant de la loi.


  1. La procédure d’instruction


1.1. Caractère de l’instruction 


S’agissant de l’instruction, le président de la chambre du contentieux désigne en fonction du réquisitoire, un ou plusieurs magistrats pour instruire l’affaire. Les actes de procédures sont signés par le/les magistrat(s) nommés.

Parmi les parties en présence, l’on trouve le justiciable et, face à lui, le parquet représenté par le Procureur financier. 


Pour mémoire, la chambre régionale des comptes a qualité pour déférer au ministère public près la Cour des comptes les faits susceptibles de constituer les infractions financières.

  • Lorsque la chambre régionale des comptes découvre, à l'occasion de ses contrôles, des faits de nature à motiver l'ouverture d'une procédure judiciaire, le ministère public près la chambre régionale des comptes en informe le procureur de la République territorialement compétent ainsi que le procureur général près la Cour des comptes qui en avise le garde des sceaux, ministre de la justice.


  • Lorsque la Cour des comptes découvre, à l'occasion de ses contrôles, des faits de nature à motiver l'ouverture d'une procédure judiciaire, elle en informe le procureur général près la Cour des comptes qui en informe le procureur de la République et en avise le garde des sceaux, ministre de la justice.


Si l’ordonnance de mise en cause n’est susceptible d’aucun recours et qu’elle ne peut être rejetée, elle doit évoquer les mentions suivantes prévues à l’article R. 142-2-5.


  • Les personnes mises en cause peuvent, à tout moment de l'instruction, accéder au dossier de l'affaire et produire des documents et observations écrites. A ce titre, le greffe les informe sans délai du dépôt de toute nouvelle pièce. 

  • Elles ont le droit d'être entendues par le magistrat chargé de l'instruction. 

  • Elles peuvent être assistées par un avocat. 

La procédure revêt un aspect inquisitoire : le magistrat chargé de l'instruction peut entendre ou questionner oralement ou par écrit, y compris par un moyen de communication audiovisuelle, à leur demande ou de sa propre initiative, tous témoins et toutes personnes mises en cause ou susceptibles de l'être. Le président de chambre du contentieux peut d’office ordonner une expertise en désignant “toute personne de son choix”. Cette décision n’est pas susceptible de recours. L’expert peut refuser la mission. Il peut en outre et sous certaines conditions être récusé par l’une ou l’autre des parties. Le président de la chambre du contentieux se prononce sur la demande de récusation par une décision non motivée qui ne peut être contestée devant la Cour d'appel financière qu'avec l'arrêt rendu ultérieurement.


1.2. Délai, contenu et suite de l’instruction 


La durée de l’instruction ne peut excéder un délai raisonnable. Celui-ci s'apprécie “au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en cause, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense.” 


L’ordonnance de règlement mentionne les éléments à charge, à décharge ainsi que les propositions de suites à donner. Cette ordonnance n’est encore une fois pas susceptible de recours. 


Après la clôture de cette instruction (par l’ordonnance de règlement), le procureur financier dispose de trois mois pour donner des suites. Selon l’article R. 142-2-15 du CJF, il peut : 


  • Renvoyer l’affaire à la chambre du contentieux de la Cour des comptes ;

  • Demander un complément d’instruction en motivant sa demande ;

  • Classer l'affaire.


Si des nouveaux éléments arrivent postérieurement à la décision de renvoi, il est possible de saisir la chambre du contentieux d’un réquisitoire supplétif (jusqu’au jour de l'audience publique).

Par ailleurs, jusqu’au jour de l’audience, il est possible de verser au dossier des observations ou éléments nouveaux. 


  1. Le jugement, les récusations et la délibération


Le président peut renvoyer une affaire en formation plénière. Le justiciable peut demander au président de formation d’être dispensé de se présenter au jugement, il peut demander à être représenté par son avocat. Si le justiciable est absent et qu’il n’a pas demandé à être représenté, il peut tout de même être jugé.


Des dispositions sont prévues pour les témoins, elles sont intéressantes étant donné qu’elles peuvent concerner l’entourage professionnel du justiciable.


  • Les témoins sont entendus à l'audience à l'initiative du ministère public ou à la demande de la personne renvoyée. Ils sont entendus sous foi de serment, dans les conditions prévues par le code de procédure pénale. Lorsque la demande d'audition émane de la personne renvoyée, elle est subordonnée à l'accord du président de la formation de jugement, pris après avis du ministère public. (Art. R. 142-3-3 CJF.) ;

  • Tous témoins et toutes personnes mises en cause ou susceptibles de l'être, peut être entendu ou questionné, par oral ou écrit, y compris par un moyen de communication audiovisuelle. (Art. R. 142-2-4).


Ne pas comparaître en tant que témoins sur convocations peut conduire, sur réquisitions du Ministère public, à une amende de maximum 10 000 euros. 

Sont également évoquées les règles de reports d’audience.


Ensuite, la récusation des témoins par l’une ou l’autre des parties, en cas de doute sur l’impartialité permettant de dessaisir la personne saisie de sa mission, est possible à condition d’être réalisée : 


  • Dès que le justiciable a connaissance de la cause de récusation ;

  • Jamais après la fin de l’audience ;

  • La demande est faite au président de la formation de jugement par la partie ou son avocat ;

  • Sous peine d'irrecevabilité, doivent être précisés les motifs de récusation et ses justificatifs ;

  • La décision de récusation ne pourra être contestée que devant la Cour d’appel financière.

Cette partie du décret prévoit également les prises de parole à l'audience. A l'appui d’observations écrites, des observations peuvent être présentées oralement par la partie ou son avocat.

Enfin, la délibération se fait à huis clos, hors la présence du magistrat instructeur et du ministère public.


  1. Sur les voies de recours 


En cas d’erreur dans la décision (erreur ou omission matérielle) et sans que cela ne constitue un appel, ne régularisation est possible par le juge. Toutefois, la condition est de n’avoir exercé aucune influence sur le jugement de l’affaire dans un délai de 2 mois (avis du ministère public). Si dans cette hypothèse, cette nouvelle notification fait à nouveau courir le délai d’appel, la demande formulée par la partie en cas d’erreur ou d’omission est sans influence sur le délai d’appel.


L'appel peut être formé par le ministère public ou par la personne renvoyée en première instance dans un délai de 2 mois à compter de la décision de justice rendue par la chambre du contentieux.


Même si le délai d’appel est expiré, la révision du jugement est possible si des faits nouveaux sont révélés et qu’ils sont de nature à établir l’absence de responsabilité du justiciable.


C. La Cour d’appel financière


  1. Composition, nomination et participation des membres


Une nouvelle juridiction est créée : la Cour d’appel financière. Elle siège à la Cour des comptes et comporte deux chambres composées chacune de 5 membres titulaires et de 5 suppléants. Sont également évoquées dans cette partie, les règles relatives à la vacance et les règles de quorum.

Devant cette cour, il importe de relever la possible participation de membres du Conseil d’État, de magistrats de l’ordre judiciaire, des tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et chambres régionales et territoriales des comptes. Ils peuvent apporter leur “concours au membre chargé de l'instruction“.

Globalement, les mêmes règles que pour la chambre du contentieux en première instance sont applicables lors de l’instruction réalisée par la Cour d’appel financière.



  1.  Modalités de recours contre l’arrêt d’appel 

Ces arrêts de la Cour d’appel financière peuvent faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État). Ce recours peut se faire par le ministère public ou par le justiciable (ou son avocat). Même passé le délai pour former un pourvoi, les règles de révision de l’arrêt sont applicables si un fait nouveau est révélé et qu’il établit l’absence de responsabilité du gestionnaire public.



D. Articulation entre le régime antérieur et les nouvelles dispositions entrant en vigueur au 1er janvier 2023 


Si le décret n°2022-1604 du 22 décembre 2022 entre en vigueur au 1er janvier 2023, il réitère la validité de l’article 30 l’ordonnance du 23 mars 2022, lequel prévoyait que les affaires ayant fait l'objet d'un premier acte de mise en jeu de la responsabilité d'un comptable public devant les chambres régionales des comptes à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance sont, à cette date, transmises à la Cour des comptes.


Il est précisé également que les affaires ayant fait l'objet d'un réquisitoire introductif devant la Cour de discipline budgétaire et financière à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance sont, à cette date, transmises à la Cour des comptes.


Le décret prévoit que les actes de procédures pris en vertu de l’article 30 ne peuvent être contestés au seul motif de l'entrée en vigueur des dispositions de cette ordonnance et du présent décret. Le Conseil d’État reste toujours compétent en cassation. 









 
 
 

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