Droit constitutionnel
Commentaire d'article - Le Monde, 7 mai 2022 - Et s’il venait à y avoir une cohabitation, quel serait le risque de paralysie en France ?
Contexte
Après les élections présidentielles, le candidat de La France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon a appelé les Français à l'élire premier ministre lors des élections législatives, qui se dérouleront les 12 et 19 juin prochains. Son élection aurait pour effet de créer une nouvelle cohabitation, la quatrième sous la Ve République.
Les précédentes avaient eu lieu :
- de 1986 à 1988 quand François Mitterand (Parti socialiste), eut Jacques Chirac (Rassemblement pour la République), comme Premier ministre ;
- de 1993 à 1995, avec M. Mitterrand et Edouard Balladur (RPR) ;
- de 1997 à 2002 avec M. Chirac et Lionel Jospin (PS).
Depuis 2000, plus aucune cohabitation n'avait eu lieu du fait du passage du septennat au quinquennat et de la modification du calendrier électoral, rapprochant élections présidentielles et législatives. Cette révision a créé un phénomène de concordance des majorités, autrement dit "fait majoritaire".
I.. Les risques de paralysie dû à la relégation des pouvoirs du président de la République
Dominique Rousseau affirme : "En cas de cohabitation, le pouvoir est clairement dans la relation entre le premier ministre et l'Assemblée nationale".
Dans cette hypothèse, la politique intérieure du pays est clairement confiée au gouvernement. En effet, le premier ministre dirige l'action du gouvernement, assure l'exécution des lois et est responsable de la défense nationale. Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation, dispose de l'administration et de la force armée.
De facto, le Président de la République dispose d'un rôle plus secondaire car le premier ministre n'est plus "dans sa poche", n'est pas du même bord politique. Certains de ses pouvoirs propres sont alors très encadrés :
- il peut nommer le premier ministre de son choix, mais qui doit avoir la confiance de l'Assemblée (or, la majorité de celle-ci n'est justement pas celle du Président) ;
- il préside le Conseil des ministres mais perd son influence auprès d'eux...
Ainsi sinon, pour jouir de ses pouvoirs partagés, le Président doit s'entendre avec le premier ministre.
II. La préservation de l'importance du président de la République malgré la cohabitation
Le Président de la République a l'avantage non négligeable d'être à l'Élysée, de bénéficier d'une parole forte auprès des Français et garde un pouvoir tribunicien important.
Pour exemple, au cours de ses conférences de presse et discours, M. Mitterrand fustigeait la politique du gouvernement. M. Chirac critiquait les premières décisions du gouvernement Jospin.
Le Président est sinon le seul à disposer d'un pouvoir de signer les décrets et ordonnances en conseil des ministres. Il dispose donc d'un pouvoir de nuisance face à un gouvernement d'opposition. M. Mitterrand avait notamment refusé des igner les ordonnances de dénationalisation, en 1986, alors même que le gouvernement avait obtenu habilitation législative du Parlement. Le projet d'ordonnance a
dû être transformé en projet de loi.
La dissolution de l'Assemblée nationale est une épée de Damoclès au-dessus de la tête des parlementaires. C'est un système de neutralisation réciproque. L'angoisse de la dissolution, pour donner la voix au peuple sur la nouvelle majorité de l'Assemblée, est un mécanisme précieux pour le Président.
III. Conclusion : La cohabitation permet l'expression démocratique
"Malgré le caractère conflictuel de la cohabitation, la crainte majeure d'une impossibilité de gouverner ne s'est pas vérifiée" (Alain Garrigou, La Politique en France, 2017),
Sous la première cohabitation, 105 lois furent votées sans blocage définitif . Néanmoins, les lois les plus conflictuelles ont été ensuite remises en cause par le gouvernement suivant. Idem pour les cohabitations suivantes qui n'ont pas été synonymes de paralysie.
En revanche, la cohabitation peut aussi permettre au peuple de s'exprimer au cours d'un mandat présidentiel sur la majorité à donner à l'Assemblée nationale et donc sur la politique qu'il veut pour son pays. Une véritable expression démocratique, du peuple-pouvoir, émerge car les mécanismes constitutionnels sont utilisés à plein régime.
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