Un début sous l'Ancien Régime
Cette histoire commence sous l’Ancien Régime. Avant 1789, les Cours royales, appelées « Parlements », avaient acquis une certaine indépendance à l’égard du monarque en raison du statut des juges, propriétaires de leur office. Il existait plusieurs parlements, compétents dans leur ressort respectif. Ces parlements se sont opposés au Roi.
D’une part, ils refusèrent à plusieurs reprises d’enregistrer les ordonnances royales (procédure requise pour qu’une nouvelle ordonnance soit applicable dans le ressort du Parlement). Ils adressèrent des remontrances au Roi et le Roi devait alors imposer l’application de son ordonnance par un « lit de justice » (c’est-à-dire une cérémonie solennelle dans le Parlement).
D’autre part, les parlements prétendirent aussi imposer leur compétence face à d’autres autorités représentant le Roi (les intendants), obligeant le Roi à casser les arrêts des parlements.
Les Parlements apparurent aussi comme une force conservatrice hostile aux tentatives de réforme à la fin de l’Ancien Régime.
À la Révolution, les membres de l’Assemblée nationale constituante se méfièrent donc des juges. Après avoir affirmé le principe de séparation des pouvoirs, ils adoptèrent d’autres lois afin de vérifier que les juges ne sortent pas de leurs fonctions, et surtout n’empiètent ni sur la fonction législative, ni sur la fonction exécutive (sphère de l’administration dont le Roi était le chef jusqu’en 1792).
La séparation des autorités administratives et judiciaires.
Cette volonté fut traduite dans la loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire.
Cette loi protège le pouvoir législatif contre les prétentions des juges. L’article 10 du titre II énonce que : « Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture ».
Elle protège de même l’administration. L’article 13 du titre II énonce que : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».
Dans le même sens, le décret du 16 fructidor an III (2 sept. 1795) réaffirme que : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes de l’administration de quelque espèce qu’ils soient ».
De ces textes, la doctrine juridique du 19e siècle a tiré un « principe de séparation des autorités administratives et judiciaires ». Il signifie que le juge judiciaire ne peut pas intervenir dans le fonctionnement de l’administration : il ne peut pas connaître de la légalité des actes administratifs unilatéraux ou contractuels, il ne peut pas engager la responsabilité de l’administration (ou même celle de ses agents en raison de la « garantie des fonctionnaires »).
Ce principe est considéré comme une conséquence du principe de séparation des pouvoirs.
Cette conception n’est pas évidente. Elle s’explique par une tendance fréquente à comprendre la séparation des pouvoirs comme une spécialisation fonctionnelle des organes, contrairement à la balance des pouvoirs, qui suppose de partager l’exercice d’une fonction entre plusieurs organes. Ainsi, selon la « conception française » (cf. CC 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, § 15), les fonctions exécutives et judiciaires doivent rester séparées et les organes qui les incarnent doivent être indépendants. Ce principe serait violé si le juge pouvait juger l’administration. Le juge deviendrait un administrateur à la place de l’autorité administrative.
Cette conception est toutefois fortement critiquable. Elle empêche bien le juge judiciaire de connaître des litiges intéressant l’administration, mais elle ne règle qu’une partie du problème. Elle ne détermine pas l’organe compétent pour connaître de ces litiges. Elle ne permet pas non plus de savoir comment empêcher que le pouvoir exécutif viole la loi. Et si c’est l’administration qui se prononce elle-même sur les litiges qui l’oppose aux particuliers (v. infra), c’est alors l’administration qui empiète sur la fonction juridictionnelle.
Les révolutionnaires auraient pu créer une juridiction administrative. Mais cette solution a été écartée pour deux raisons. Si ce juge administratif ressemble au juge judiciaire, le problème de la séparation des pouvoirs réapparaît. Si c’est un juge différent, cela revient à créer une juridiction d’exception, ce qui était également considérées comme une marque d’arbitraire et d’inégalité contraire à l’abolition des privilèges (décidée le 4 août 1789).
L’administration-juge.
Faute de solution textuelle claire, le contentieux de l’administration fut confié à l’administration elle-même (notamment par la loi des 6-7 et 11 sept. 1790). L’administration était ainsi juge et partie ! Pour justifier cette solution a priori tout aussi contraire au principe de séparation des pouvoirs, on avançait l’adage selon lequel « juger l’administration, c’est encore administrer ».
Il en fut ainsi, tout au long du 19e siècle, jusqu’en 1872. Ce système convenait assez bien aux régimes autoritaires du Premier Empire (1804-1814) et du Second Empire (1852-1870), ainsi qu’à la Restauration (1815-1830) et la Monarchie de juillet (1830-1848).
La juridiction administrative est donc apparue au sein de l'administration “active”. Certains organes se sont spécialisés dans les questions contentieuses. Il existait ainsi, au sein de l’administration, une fonction contentieuse.
Les litiges administratifs n’étaient alors pas tranchés par de véritables juges, mais par des organes intégrés à l’administration. C’est ainsi qu’à partir de 1806 est organisée, au sein du Conseil d’État, une « commission du contentieux » spécialement chargée de traiter le contentieux. Formellement, la décision est prise par le Chef de l’État, même si, dans les faits, le Chef de l’État reprend toujours la décision qui lui est proposée. On parle alors de « justice retenue », à la différence de la justice judiciaire, qui est déléguée aux magistrats.
La « justice déléguée ».
Ce système va se maintenir, malgré une justice brièvement déléguée sous la Deuxième République (1848-1852), jusqu’à la loi du 24 mai 1872. Cette loi énonce (article 9) que « le Conseil d’État statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes en annulation pour excès de pouvoir formées contre les actes des diverses autorités administratives ». La justice administrative déléguée naît alors de façon durable. Elle va se perfectionner progressivement.
Le système juridictionnel reste imparfait sur plusieurs points.
Tout d’abord, le « juge » de droit commun n’est pas un juge, mais le ministre. En effet, le Conseil d’État n’est qu’un juge d’appel. Il existe bien une juridiction de première instance : le conseil de préfecture. Mais c’est un juge d’attribution. En principe, les litiges sont donc d’abord portés devant le ministre compétent. Cette solution est connue sous le nom de « théorie du ministre-juge ». Cette solution disparaît avec l’arrêt Cadot du 13 déc. 1889 (n° 66145), qui admet la recevabilité d’un recours directement porté devant le Conseil d’État. C’est donc le Conseil d’État qui devient juge de droit commun en matière administrative.
En outre, les conseils de préfecture sont présidés par le Préfet, c’est-à-dire par la plus importante autorité administrative de l’État au niveau local.
Ce système était insatisfaisant car la masse du contentieux encombrait le Conseil d’État, juge de droit commun, et les conseils de préfecture faisaient l’objet de diverses critiques liées à leur manque d’indépendance et de compétence.
En 1953 (décret-loi du 30 sept. 1953 et décret du 28 nov. 1953), les conseils de préfectures sont remplacés par les tribunaux administratifs, qui sont depuis lors les juridictions de droit commun du contentieux administratif en première instance. À partir de là, le Conseil d’État est principalement devenu un juge d’appel, tout en conservant quelques compétences en premier ressort (v. infra).
Face à la croissance du contentieux administratif, l’ordre juridictionnel a encore été complété en 1987. La loi du 31 déc. 1987 instaura un échelon intermédiaire avec les cours administratives d’appel (mises en place à partir de 1989).
C’est ainsi que l’architecture de l’ordre juridictionnel administratif s’est rapprochée de celle de l’ordre judiciaire. On y trouve trois degrés de juridiction : première instance (tribunaux administratifs), appel (cours administratives d’appel) et juridiction suprême (Conseil d’État). Il est toutefois assez original sur plusieurs points (v. infra).
L’organisation actuelle de la juridiction administrative
La juridiction administrative comprend plusieurs branches.
La juridiction administrative de droit commun comprend les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’État. Elle ressemble à la juridiction judiciaire, avec une structure à trois niveaux.
À côté, il existe des juridictions administratives spécialisées, dans le domaine financier (les chambres régionales et territoriales des comptes, la Cour des comptes, la Cour de discipline budgétaire et financière), dans le domaine ordinal et/ou disciplinaires (ex. les conseils départementaux et le Conseil national de l’ordre des médecins, les sections disciplinaires des conseils des universités, le Conseil supérieur de la magistrature), et dans d’autres domaines (ex. Cour nationale du droit d’asile).
L’unité de l’ensemble de la juridiction administrative est assurée par le Conseil d’État, qui est juge de cassation des arrêts rendus, en dernier ressort, par les juridictions administratives de droit commun et les juridictions administratives spécialisées.
A. La juridiction administrative de droit commun
La juridiction administrative comporte une particularité par rapport à la juridiction judiciaire liée à la présence du Conseil d’État à tous les niveaux de l’organisation, c’est-à-dire en premier ressort, en appel et en cassation.
1. Le Conseil d’État
Le Conseil d’État est une institution ancienne, remontant formellement à la Constitution du Consulat (22 Frimaire an viii ; 13 déc. 1799). C’est aussi une institution puissante car ses membres font partie de l’élite politico-administrative française. Elle est marquée par la double fonction qui lui est confiée depuis 1799 : conseiller et juger. Cette dualité permet de comprendre sa composition et ses compétences.
a) La composition du Conseil d’État
Statut des membres.
Le statut des membres du Conseil d’État est distinct de celui des magistrats judiciaires, ce qui s’explique par l’histoire et la double fonction (consultative et contentieuse) du Conseil (cf. art. L. 131-1 à L. 137-1 et art. R. 131-1 à R. 137-4 du CJA et loi du 11 janv. 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État).
Les membres du Conseil d’État n’ont pas la qualité de magistrats. Ils ne relèvent donc pas de l’article 64 de la Constitution, qui prévoit qu’une « loi organique porte statut des magistrats » et qui énonce que les « magistrats du siège sont inamovibles ». Cet article ne concerne que les magistrats de l’ordre judiciaire.
Il en résulte que les membres du Conseil d’État ont le statut de fonctionnaire et non de magistrat. Cela implique que les membres du Conseil d’État ne sont pas formellement inamovibles.
Toutefois, des « pratiques et usages » garantissent une réelle indépendance de ses membres, en raison notamment du principe d’avancement à l’ancienneté (selon l’explication habituellement admise).
Cf. CEDH 9 nov. 2006, Sacilor-Lormines, n° 39594/98, § 65 : « L'inamovibilité des membres du Conseil d'État n'est pas prévue par les textes mais se trouve garantie en pratique tout comme est assurée leur indépendance par des usages anciens tels que la gestion de l'institution par le bureau du Conseil d'État, sans ingérences extérieures, (pas de soumission hiérarchique au ministre de la justice à la différence des magistrats du parquet) ou l'avancement à l'ancienneté, garant de l'autonomie tant à l'égard des autorités politiques qu'à l'égard des autorités du Conseil d'État elles-mêmes ».
Cette règle est censée garantir à tous une promotion exclusive de tout favoritisme. En outre, les nominations des présidents de section et les affectations au sein du Conseil sont proposées, voire décidées, par le bureau (réunion du vice-président et des présidents de sections), ce qui assure l'autonomie du corps.
En outre, au sein de la fonction publique de l’État, le statut général résultant de la loi du 11 janv. 1984 doit être précisé pour chaque corps par des statuts particuliers adoptés par décret en Conseil d'État (art. 8). Pour le Conseil d’État, l'article L. 131-1 du CJA prévoit que le statut des membres du Conseil d'État résulte d'abord des dispositions du code de justice administrative, et ensuite seulement « pour autant qu'elles ne lui sont pas contraires » des « dispositions statutaires de la fonction publique de l'État ».
Le fait que ce statut soit fixé par décret en non par la loi ne nuit pas, en pratique, à la protection et à l’indépendance du Conseil d’État envers l’Exécutif car le Conseil d’État est compétent pour juger de la légalité d’un tel décret en cas de recours. Il peut ainsi en contrôler la conformité aux PGD, à la Constitution ou à la CEDH.
Discipline
La discipline des membres du Conseil d’État est assurée par le Conseil d’État lui-même. Plus précisément, « Les sanctions disciplinaires sont prononcées par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition de la commission supérieure du Conseil d'Etat. Toutefois, l'avertissement et le blâme peuvent être prononcés, sans consultation de la commission supérieure, par le vice-président du Conseil d'État » (art. L. 136-4).
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NB. La commission supérieure du Conseil d’État est présidée par le Vice-président du Conseil d’État et elle est composée des sept présidents de section, de huit membres du Conseil élus pour trois ans par leurs pairs (quatre conseillers d’État, trois maîtres des requêtes et un auditeur) et de trois personnalités qualifiées (art. L. 132-1 CJA). En matière disciplinaire elle est réunie en l’absence du vice-président et du président de la section du contentieux et présidée par le président de section administrative le plus ancien. Elle peut proposer l’une des sanctions suivantes : avertissement ou blâme prononcés par le vice-président, ou abaissement d’échelon, retrait de certaines fonctions, exclusion de toutes fonctions pour au plus six mois, mise à la retraite d’office, révocation prononcés par le président de la République (v. art. L. 136-1 CJA).
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Les catégories de membres
Le Conseil d’État compte environ 300 membres (sans compter les quelque 400 agents administratifs). Le corps des membres du Conseil d’État est composé de plusieurs grades, par ordre d’importance croissante :
Les auditeurs de deuxième classe et de première classe sont recrutés par concours (par la voie de l’Ecole nationale d’administration et non par la voie de l’Ecole nationale de la magistrature comme les magistrats judiciaires).
Les maîtres des requêtes sont d’anciens auditeurs de première classe ayant suffisamment d’ancienneté pour bénéficier de l’avancement ; ils sont nommés par décret sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Mais ils sont présentés par le bureau (art. R. 134-6 CJA).
Mais un quart des nominations sont faites « au tour extérieur ».
Le « tour extérieur » est un accès exceptionnel aux corps de la fonction publique en dehors des règles normales de recrutement par concours. Ces nominations sont donc discrétionnaires. Juridiquement, le gouvernement est libre de nommer qui il veut sous réserve de respecter quelques conditions d’expérience (les personnes doivent avoir au moins trente ans et avoir accompli au moins dix ans de services publics, tant civils que militaires, et 1 sur 4 doit venir du corps des tribunaux administratifs et des Cours administratives d’appel) et de compétence.
Le Conseil d’État contrôle ces nominations (en cas de recours) afin de vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation quant aux compétences de personnes nommées (ex : CE 23 déc. 2011, n° 346629 : au sujet d’une nomination dans les corps d’inspection et de contrôle).
Les nominations au tour extérieur sont destinées à apporter au Conseil d’État l’expérience de personnes ayant eu préalablement une autre activité.
Les conseillers d’État sont d’anciens maîtres des requêtes, nommés à l’ancienneté par décret en Conseil des ministres sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Pour les nominations à l’ancienneté, le vice-président, délibérant ici aussi avec les présidents de section (c’est-à-dire le bureau), fait les présentations pour l'avancement des auditeurs de la 2e à la 1re classe (article R. 134-8 du CJA), et de la 1re classe au grade de maître des requêtes (article R. 134-6 du CJA), ou propose une liste de trois noms pour la promotion des maîtres des requêtes au grade de conseiller d’État (article R. 134-4 du CJA). Selon la pratique connue, il suit toujours l’ancienneté.
Mais un tiers des conseillers d’État peuvent être nommés « au tour extérieur », par le gouvernement (à condition d’avoir 45 ans). Un sur six des conseillers d'État ainsi nommés au tour extérieur doit être choisi parmi les membres du corps des tribunaux administratifs et des Cours administratives d’appel (article R. 133-3 du CJA). Pour celui-ci, c'est alors le vice-président délibérant avec les présidents de section qui fait la proposition (article L. 133-8 du CJA). En pratique, le bureau maîtrise le choix.
Les grades supérieurs sont ceux de secrétaire général (qui dirige le travail administratif du Conseil et fait fonction de greffier), de présidents de section (le Conseil est divisé en sept sections, v. infra) et de vice-président (qui est le véritable président du Conseil, selon l’article L. 121-1 du CJA). Le vice-président préside les formations les plus importantes et les plus solennelles du Conseil (assemblée générale, commission permanente, assemblée du contentieux).
Pour l'avancement aux grades de présidents de section et de vice-président, l'ancienneté n'est pas systématique. Elle peut jouer pour la nomination des présidents de section ; elle ne joue plus du tout pour celle du vice-président. En pratique, semble-t-il, le bureau fait des propositions pour la nomination des présidents de section (trois noms pour les sections administratives, un pour la Section du contentieux), il n'en fait pas pour la vice-présidence. Tous sont nommés par décret du président de la République en Conseil des ministres (sur proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice, v. articles L. 133-1 et L. 133-2 du CJA).
Ainsi malgré le statut original de ses membres, le Conseil d’État parvient à contrôler ce statut, l’entrée dans le corps et l’avancement au sein du corps, ce qui garantit son indépendance et son impartialité.
b) Les attributions du Conseil d’État
L’une des particularités du Conseil d’État est son double rôle. Sa première mission, historiquement, est de conseiller le gouvernement et il conserve ce rôle. Mais il a progressivement acquis une fonction juridictionnelle (v. supra).
Les fonctions consultatives.
Les fonctions administratives du Conseil d’État sont des fonctions consultatives confiées à six sections administratives : la Section de l’intérieur, la Section des finances, la Section sociale, la Section des travaux publics, la Section de l’administration, la Section du rapport et des études.
Les avis sur les projets de loi ou de décret ou les consultations juridiques sont confiés aux cinq premières sections, ou à l’Assemblée générale du Conseil d’État (ou la commission permanente en cas d’urgence). Les propositions et études sont confiées à la section du rapport et des études.
La principale attribution consultative du Conseil d’État consiste à rendre des avis sur les projets de loi et sur les projets de décrets. Par ses avis, le Conseil joue un rôle d’expertise juridique auprès du gouvernement. Il lui indique comment améliorer la rédaction du texte, afin de le rendre plus clair, ou plus cohérent avec les dispositions juridiques déjà existantes. Il lui indique aussi les risques d’inconstitutionnalité ou d’illégalité qu’il décèle dans le texte qui lui est soumis.
Le Conseil rend obligatoirement des avis sur les projets de loi (cf. article 39 de la Constitution). Il peut aussi être saisi, pour avis, des propositions de loi si le président de l’assemblée concernée (Sénat ou Assemblée nationale) l’a demandé.
Le Conseil d’État rend aussi des avis sur les projets de décrets lorsque cela est prévu par la loi ou un règlement ou de façon facultative.
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NB. Lorsque la consultation du Conseil est obligatoire (en vertu de la Constitution ou de la loi), on parle de « décret en Conseil d’État » (le décret porte alors la mention « le Conseil d’État entendu »). Lorsque la consultation du Conseil est facultative, on parle de « décret simple ». Les décrets simples qui sont, de façon facultative, soumis à l’avis du Conseil, sont pris « après avis du Conseil d’État ».
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Le CJA donne la portée réelle des avis du Conseil d’État (art. L. 112-1) : « Le Conseil d'État participe à la confection des lois et ordonnances. »
Le Conseil peut aussi rendre des avis sous forme de « consultations juridiques », à la demande du gouvernement, lorsque ce dernier souhaite sur telle ou telle question, obtenir une expertise juridique (ex. avis de 1989 sur le port de signes religieux dans les écoles ; avis sur la modification de l’acquisition de la nationalité à Mayotte). Il s’agit souvent de savoir comment une disposition juridique qui n’a pas encore été interprétée par une juridiction pourrait l’être ou si telle solution contractuelle ou autre est juridiquement admissible.
Le Conseil produit aussi des études et des rapports, soit sur sollicitation du gouvernement, soit de sa propre initiative. Le Conseil rédige également un rapport annuel qui est publié. Le Conseil y fait le bilan de son activité annuelle, y diagnostique certains problèmes et, le cas échéant, indique quelques réformes possibles.
En vertu de l’art. L. 112-5 du CJA : « Le Conseil d'État est chargé d'une mission permanente d'inspection à l'égard des juridictions administratives ». La mission « contrôle l'organisation et le fonctionnement des juridictions. Elle peut mener des études sur un thème intéressant plusieurs juridictions » (art. R. 112-1 CJA).
Les fonctions juridictionnelles.
Les fonctions juridictionnelles du Conseil d’État sont confiées à la Section du contentieux.
La section du contentieux est elle-même divisée en dix chambres. Normalement les affaires sont instruites par une chambre, et jugée par cette chambre ou par deux chambres réunies.
Il existe aussi une « formation spéciale » qui se prononce sur les « requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement » (art. L. 773-1 et s. CJA). Elle est composée de membres habilités ès qualités au secret de la défense nationale.
Toutefois, lorsque les affaires sont importantes ou qu’elles soulèvent une difficulté particulière, elles peuvent être renvoyées à des formations spéciales (par ordre d’importance croissante) :
Tout d’abord, la « section du contentieux en formation de jugement », qui comprend 15 membres (le président de la section, les trois présidents adjoints, les dix présidents de chambre et le rapporteur de l’affaire).
Ensuite, « l’assemblée du contentieux », où siègent les 17 membres les plus importants du Conseil (notamment le vice-président, les sept présidents de section, les trois présidents adjoints de la section du contentieux, les présidents de chambre les plus anciens et le rapporteur de l’affaire).
Le Conseil d’État intervient à tous les degrés de la juridiction administrative. Autrement dit, suivant les litiges et les actes contrôlés, le Conseil peut être juge en premier ressort, juge d’appel ou juge de cassation. Cette situation s’explique largement par l’histoire de la juridiction administrative.
(cf. articles L. 311-2 et s. et R. 311-1 et s. du CJA). Depuis la réforme de 1953, ce sont les tribunaux administratifs (TA) qui sont les juges de droit commun en premier ressort du contentieux administratif. Tous les litiges doivent leur être soumis en première instance, sauf textes contraires. Or, certains de ces textes attribuent au Conseil d’État l’examen de certains recours en première instance.
Dans ces hypothèses, le Conseil d’État est donc le premier juge, mais il est aussi le dernier puisqu’il est la juridiction suprême de son ordre (on dit alors qu’il est juge de « premier et dernier ressort»). Les recours dont connaît le Conseil en première instance sont les importants. Il s’agit des recours contre des actes d’importance nationale.
⇒ les recours contre les décrets (réglementaires ou individuels) et contre les ordonnances; les recours contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale et contre les circulaires à portée générale ;
⇒ les recours contre les décisions prises par 13 autorités administratives indépendantes (ex : CSA, ARCEP, AMF, CRE, etc.).
⇒ les litiges qui concernent le recrutement ou la discipline des agents publics nommés par décret du Président de la République.
⇒ les recours portant sur la régularité des élections régionales et européennes (et des élections d’assemblées d’outre-mer) ;
⇒ les oppositions aux changements de noms prononcés en vertu de l’art. 61-1 du code civil ;
⇒ les requêtes concernant la mise en œuvre des techniques de renseignement mentionnées (notamment) au code de la sécurité intérieure (art. L. 311-4-1 CJA).
⇒ les actions en responsabilité dirigée contre l’Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative.
NB. Cette liste n’est pas exhaustive. Selon les statistiques officielles, 25 % des décisions du Conseil d’État sont rendues en premier et dernier ressort.
Le Conseil ne connaît plus, depuis 1987, qu’un faible nombre d’appels dirigés contre les jugements de première instance rendus par les TA (art. L. 321-1 CJA).
Mais il y a une subtilité car le Conseil d’État reste le juge de droit commun en appel pour les recours formés contre les décisions rendues en premier ressort par les autres juridictions administratives (art. L. 321-2 CJA).
⇒ le contentieux des élections municipales et cantonales ;
⇒ les contentieux d’urgence en matière de référé-liberté (art. L. 523-1 du CJA), ainsi qu’en matière de « déféré-liberté » (art. L. 554-3 CJA) ou de référé informatique et liberté (art. R. 555-1 CJA).
NB. Entre 1 % et 6 % des décisions du Conseil d’État relèvent de sa compétence d’appel.
Le Conseil d’État est le juge de cassation de l’ordre administratif. C’est ce qui lui vaut d’être le juge suprême de l’ordre administratif (comme la Cour de cassation est le juge suprême de l’ordre judiciaire).
A ce titre, tout jugement émis en dernier ressort par une juridiction administrative peut lui être soumis. Cette compétence lui permet d’unifier la jurisprudence administrative en y imposant ses solutions.
NB. Plus de 70 % des décisions du Conseil d’État relèvent de sa compétence de cassation.
En tant que juridiction suprême, le Conseil peut connaître de diverses questions ou recours qui impliquent d’apporter une réponse revêtue d’une autorité symbolique particulière.
⇒ les juridictions inférieures peuvent lui adresser des questions de droit nouvelles quand elles rencontrent des difficultés d’interprétation du droit.
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Cf. L'article L. 113-1 du CJA : « avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d’appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ».
Ex. CE Ass. 16 fév. 2009, Hoffman-Glemane, n° 315499 : à propos de l'indemnisation des personnes juives victimes de déportations sous l'Occupation.
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Cela permet de trancher la question sans attendre de remonter toutes les étapes de la procédure contentieuse habituelle. Cela permet ainsi d’éviter des délais trop longs, autant pour les justiciables que pour les administrations et donc d’assurer l’application rapide et uniforme de la règle de droit.
NB. Cette procédure d’avis contentieux existe aussi devant la Cour de cassation, dans les mêmes conditions de fond (article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire).
— En tant que juridiction suprême, le Conseil d’État connaît aussi des recours dans l'intérêt de la loi (non prévus par les textes et exceptionnels, v. CE 8 févr. 1838, Ministre des Finances, Lebon p. 72), qui est formé dans l’intérêt du bon droit – et uniquement dans ce but.
Il est introduit dans l'hypothèse où un jugement non contesté en temps utile (et devenu définitif) est susceptible de faire jurisprudence alors qu'il est juridiquement erroné. Autrement dit, l'administration estime qu’elle se trouve confrontée à une mauvaise jurisprudence (en pratique une jurisprudence défavorable) mal fondée en droit. En formant un recours dans l'intérêt de la loi, le ministre dispose de la faculté de remettre en cause cette solution juridique.
Si le recours est accueilli, l’arrêt rendu a une portée originale : il ne modifie pas les effets du jugement. Son effet apparaît « purement doctrinal ». Il ne change rien aux droits et obligations que le jugement ou arrêt erroné a pu faire naître pour les parties.
2. Les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel
Organisation et composition.
Il existe 8 cours administratives d’appel : Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris et Versailles (toutes en métropole) et 42 tribunaux administratifs (en métropole et outre-mer).
Les membres des cours et des tribunaux constituent un corps unique et bénéficient donc d’un statut commun. Ils ne constituent pas (non plus) des « magistrats » au sens de l’article 64 Constitution. Leur statut est aussi distinct de celui des membres du Conseil d’État. Contrairement à ces derniers, les membres des cours et des tribunaux sont formellement inamovibles, ce qui garantit leur indépendance. On les qualifie de « magistrats administratifs » et leur statut est fixé par la loi (cf. articles L. 231-1 et s. du CJA).
Les membres de ce corps sont (également) recrutés par l’École nationale d’administration. Toutefois, le recrutement des magistrats administratifs est complété par d’autres voies (concours spécial et tour extérieur), prévues aux articles L. 233-2 s. du CJA.
Les membres de ce corps peuvent être affectés à une cour après six ans de service en tribunal et lorsqu’ils ont atteint le grade de conseiller de 1ère classe. Les cours sont présidés par un Conseiller d’État.
Compétences des cours.
Les compétences contentieuses des cours sont, logiquement, des compétences d’appel. Mais pas exclusivement.
Les cours connaissent, principalement, des appels formés contre les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs (environ 16 % de ces jugements), sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'État en qualité de juge d'appel.
Elles exercent toutefois, depuis 2013 (décret du 13 août 2013, et même avant pour le CAA de Paris), des compétences en premier et dernier ressort.
⇒ La CAA de Paris est compétente pour connaître (entre autres) des recours contre les arrêtés du ministre du Travail relatifs à la représentativité des syndicats (art. R. 311-2 1° CJA) et des litiges liés aux décisions du CSA (art. R. 311-2 2° CJA) en ce qui concerne les autorisations pour les radios, TV et ressources radioélectriques autre que la TV nationale, ou encore (liste non exhaustive) les recours contre les visas ou refus de visa d’exploitation cinématographique (art. R. 311-2 3° CJA).
⇒ La CAA de Nantes est compétente pour de certains litiges portant sur des décisions relatives aux installations de production d’énergie renouvelable en mer (art. R. 311-4 CJA).
⇒ L’ensemble des CAA sont compétents pour connaître des recours dirigés contre les décisions de la Commission nationale d’aménagement commercial et celles de la Commission nationale d’aménagement cinématographique ou encore les litiges portant sur les décisions relatives aux installations éoliennes terrestres (art. R. 311-3 et R. 311-5 CJA)
Compétences des tribunaux.
Les tribunaux sont juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort. Sauf textes législatifs attribuant telle ou telle compétence à une autre juridiction, ce sont les TA qui sont compétents pour connaître des recours administratifs en première instance.
Chaque tribunal est compétent pour un territoire déterminé (v. infra). Cette compétence territoriale est déterminée, en principe, par l’endroit où se trouve le siège de l’autorité dont l’acte est attaqué. Mais cette règle engendre un engorgement potentiel des tribunaux situés dans ou autour de Paris puisque beaucoup d’autorités administratives y ont leur siège. C’est pourquoi des règles d’exception s’ajoutent à la règle générale de compétence territoriale.
Les fonctions administratives des tribunaux et des cours.
Les TA et CAA remplissent aussi des fonctions administratives.
Les consultations
« Outre leurs attributions juridictionnelles, les TA et les CAA exercent des fonctions consultatives. » (art. L. 212-1 CJA). « Les TA et les CAA peuvent être appelés à donner leur avis sur les questions qui leur sont soumises par les préfets » (art. R. 212-1 CJA). En pratique, ces compétences sont rarement exercées.
L’autorisation de plaider
« Les TA se prononcent sur l'exercice, par les contribuables, des actions appartenant à certaines CT et à leurs EP, dans les conditions fixées par le CGCT. » (art. L. 212-2 CJA). Le Conseil d’État est directement compétent en cas de recours.
B. Les juridictions administratives spécialisées
Certains contentieux administratifs sont assez spécialisés. C’est pourquoi ils ne sont pas confiés aux TA ou aux CAA, mais à des « juridictions administratives spécialisées ». Le Conseil d’État reste compétent en cassation pour connaître des recours contre les arrêts rendus par ces juridictions administratives spécialisées.
Il existe plusieurs types de juridictions spécialisées.
Les juridictions financières.
Les plus anciennes sont les juridictions financières (en tout cas la Cour des comptes). La Cour de discipline budgétaire et financière (créée en 1948) était compétente pour examiner la régularité de l’utilisation de l’argent public par les personnes qui décident de l’utiliser (ancien art. L. 313-1 et s. CJF). La responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables n'existe plus. Il y désormais un régime unifié entre l'ordonnateur et le comptable depuis l'ordonnance de mars 2022.
Les juridictions disciplinaires.
Elles sont de plusieurs sortes. Certaines sont des juridictions ordinales et ont été créées pour sanctionner les manquements à la déontologie des professions libérales (ex. ordre des médecins, ordre des pharmaciens, ordre des architectes, etc.).
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NB. La solution est différente pour les avocats puisque les décisions des conseils de discipline (art. 22 de la loi n° 71-1130 du 31 déc. 1971) relèvent de la Cour d’appel (art. 197 du décret n° 91-1197 du 27 nov. 1991), sauf pour les avocats aux conseils, à l’égard desquels les décisions relèvent du Conseil d’État ou de la Cour de cassation (art. 14 et 9 du décret n° 2002-76 du 11 janv. 2002).
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Il en existe aussi à l’université (conseil académique de l'université, constitué en sections disciplinaires et, en appel, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, cf. article L. 232-2 du code de l’éducation).
Mais la juridiction administrative disciplinaire la plus étonnante est le Conseil supérieur de la magistrature. En effet, le Conseil supérieur de la magistrature est l’organe qui garantit l’indépendance de la magistrature judiciaire (cf. article 65 alinéa 6 de la Constitution : « La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétent à l'égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège »).
Les magistrats étant des agents de l’État (même s’ils sont soumis à un statut spécifique fixé par une loi organique) et comme la justice judiciaire est liée aux fonctions régaliennes de l’État et considérée, de ce point de vue, comme un service public administratif (puisque ce n’est pas un service public industriel et commercial !), le contentieux intéressant leur discipline est un contentieux administratif. Il en résulte que les décisions prises par le Conseil supérieur de la magistrature sont susceptibles d’un recours en cassation devant le Conseil d’État (v. CE Ass. 12 juil. 1969, L’Etang, n° 72480).
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NB. Critique : M. le Premier président Bertrand Louvel a estimé que cette compétence revenait à ce que « les spécificités de la magistrature, conçues comme une garantie essentielle des droits et libertés du citoyen, notamment à l'encontre de l'administration, sont aujourd'hui progressivement transférées dans la sphère de contrôle du juge de l'administration, au fur et à mesure que le périmètre de l'organisation du service public de la justice s'étend au détriment du fonctionnement proprement dit de l'autorité judiciaire ». Cela reviendrait à faire prévaloir « une justice-service public, simple rouage de l'administration générale de l'Etat sous l'autorité du pouvoir exécutif » sur l'autorité judiciaire indépendante de l'exécutif.
NB. Le Conseil d’État est aussi amené à veiller au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire dans le cadre du contrôle de légalité du pouvoir réglementaire. Ex. CE 23 mars 2018, Syndicat Force ouvrière Magistrats, n° 406066 : Eu égard tant à la mission ainsi confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l'ordre judiciaire, qu'aux rôles confiés par la Constitution à son premier président et à son procureur général, notamment à la tête du Conseil supérieur de la magistrature chargé par la Constitution d'assister le Président de la République dans son rôle de garant de l'autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait légalement inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l'inspection générale de la justice sans prévoir de garanties supplémentaires relatives, notamment, aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l'un de ses membres. Son article 2 doit, par suite, être annulé en tant qu'il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission permanente d'inspection, de contrôle, d'étude, de conseil et d'évaluation exercée par l'inspection générale de la justice.
NB. Pour les magistrats du parquet, le pouvoir disciplinaire est exercé par le garde des sceaux, ministre de la justice, Ex. CE 12 déc. 2018, n° 415334 : rejet d’une QPC sur la procédure disciplinaire des magistrats du parquet « 8. En confiant le pouvoir disciplinaire à l'égard des magistrats du parquet au garde des sceaux, ministre de la justice, le législateur organique a tiré les conséquences des dispositions de la Constitution citées plus haut. Il n'a pas méconnu le principe de séparation des pouvoirs dès lors que l'exercice de ce pouvoir disciplinaire est entouré des garanties propres à assurer le respect de l'indépendance de l'autorité judiciaire, notamment l'obligation pour le ministre de recueillir au préalable l'avis du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que la possibilité pour le magistrat sanctionné de contester devant le juge de l'excès de pouvoir la légalité de la sanction prononcée par le garde des sceaux. »
NB. Le Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique (déposé en août 2019) prévoit que les magistrats du Parquet seront nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur avis simple, et que cette formation statuera aussi comme conseil de discipline de ces magistrats (art. 7 du projet).
Les juridictions spécialisées statuant sur des droits.
Cette liste n’est pas exhaustive. Il existe d’autres juridictions spécialisées.
Les juridictions sociales ont été, en grande partie, supprimées par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, les deux ordonnances n° 2018-358 et 2018-359 du 16 mai 2018 et le décret du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale. S’agissant des juridictions administratives, les anciennes commissions départementales et la commission centrale d’aide sociale sont supprimées, mais les tribunaux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale et la Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale subsistent.
Mais il existe une Cour nationale du droit d’asile, qui tranche les litiges relatifs à la qualité de réfugié (ou le refus d’inscrire une demande d’asile ou le retrait de la qualité de réfugié). Le statut de réfugié, qui confère à son bénéficiaire le droit d’asile sur le territoire de la République, est accordé ou refusé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Créée par la loi du 20 nov. 2007, la Cour nationale du droit d'asile connaît des recours contre les décisions rendues par l'OFPRA portant sur les demandes d'asile.
L’unité de l’ensemble de la juridiction administrative repose sur le Conseil d’État, toujours susceptible d’être saisi d’un pourvoi en cassation.
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