Traditionnellement, REP et RPC se distinguent tant par la différence en elle-même de ces recours juridictionnels que par les pouvoirs du juge.
Le sujet invitait donc à la fois à présenter les éléments de cette distinction en droit administratif mais également à questionner la réalité de cette distinction au regard de l’évolution de ces recours notamment depuis une 20 aine d’année.
Au regard de l’évolution tant des conditions des recours que des pouvoirs du juge administratif, la distinction entre REP et le RPC est-elle toujours pertinente ?
I. le principe de distinction entre REP et RPC
A. les fondements de la distinction
Cette distinction des recours contentieux a une origine doctrinale puisque plusieurs classification des recours contentieux ont été proposés par la doctrine administrative.
Tout d’abord une classification formelle a été proposée par Edouard Lafférière dans son traité de la juridiction administrative 1887. Il établie une classification des recours qui est fondée sur les pouvoirs du juge et il distingue à cet égard quatre grandes catégories de recours. Tout d’abord le contentieux de la pleine juridiction (RPC) dans lequel le JA dispose de large pouvoirs , i.e en plus de l’annulation , la condamnation pécuniaire de l’administration, ou encore la réformation de la décision attaquée.
On y rattache les recours contre les contrats administratifs en matière de responsabilité ou encore le contentieux électoral et fiscal. La deuxième catégorie c’est le contentieux de l’annulation (REP) dans lequel le juge se prononce sur la régularité d’un acte . Il peut soit rejeter le recours si l’acte est légal ou bien annuler l’acte si celui-ci est illégal. En ce sens, Edouard Lafférière définie le REP comme le procès fait à un acte et non pas à une partie. Il distingue ensuite deux autres catégories : le contentieux de l’interprétation et de l’appréciation de la légalité et le contentieux de la répression.
D’autres auteurs ont proposé d’autres classifications. Notamment une classification matérielle a été proposée, donc en fonction de la nature de la question posée au juge. Notamment Leon Duguit dans son traité de droit constitutionnel de 1923 , il distingue le contentieux objectif par lequel le requérant invoque la méconnaissance d’une question de droit objectif générale et permanente (ex : le REP ou encore le contentieux électoral) et le contentieux subjectif d’autre part par lequel le requérant invoque une atteinte à des droits individuels , par exemple en matière d’indemnisation ou de contrat .
D’autres auteurs ont proposé des classifications combinant à la fois des critères formels et des critères matériels , i.e qui se fondent à la fois sur les pouvoirs du juge et sur la nature de la question posée au juge . Notamment le professeur René Chapus qui distingue le contentieux des recours qui sont dirigés contre un acte et le contentieux des poursuites qui sont dirigés contre une personne.
De manière plus récente en 2001, le professeur Fabrice Melleray dans sa thèse a proposé une distinction entre le contentieux des actions individualistes permettant la défense des intérêts personnels des requérants et le contentieux des actions holistes qui permettent la défense de l’intérêt général .
On en retient que ces différentes classifications montrent un intérêt persistant de la doctrine quant à la distinction des recours contentieux et en même temps une réflexion sur les différents critères les plus pertinents pour cette distinction.
La distinction entre ces deux recours (REP RPC) se retrouve de manière explicite dans la loi du 24 mai 1872 réformant le Conseil d’État puisque l’article 9 lui attribue compétence pour connaître des recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoir formés contre les actes des autorités administratives.
D’autres textes font référence dès le début du XIX ème s à l’existence du REP.
De manière contemporaine, plusieurs textes instaurent la possibilité d’exercer l’un ou l’autre de ces recours . Par exemple, l’article 20 de la loi de 1946 instituant l’ordre des géomètres experts instaure une possibilité de REP contre les décisions du conseil supérieur de cet ordre. Par ailleurs il y a aussi la loi de 1986 sur la liberté de communication qui instaure la possibilité de RPC pour les décisions du conseil supérieur de l’audiovisuel.
La mention de ces deux recours se trouve également dans de nombreux arrêts notamment :
CE, 1950, Dame Lamotte prévoyant que le REP est ouvert même sans texte contre tout acte administratif et qui a pour effet d’assurer conformément au PGD le respect de la légalité. Dans une décision de 1987, Conseil de la concurrence, le juge constitutionnel fait référence au REP.
Pour le RPC quelques arrêts récents permettent d’illustrer sont existence . Par exemple, Tarn et Garonne du CE de 2014 qui ouvre la possibilité de RPC aux tiers à un contrat.
B. les manifestations de la distinction
Il y a traditionnellement 6 critères de distinction entre ces recours
le caractère du recours :
le REP présente un caractère objectif mais qui évolue vers une certaine subjectivisation
le RPC a un caractère subjectif
l’objet du recours :
le REP a seulement pour objet l’annulation d’un acte
le RPC peut avoir pour objet tant l’annulation d’un contrat ou d’une élection ; la demande d’une condamnation pécuniaire ou encore la réformation d’une décision.
Les moyens qui peuvent être invoqués :
les moyens sont limités dans le cadre du REP aux moyens de légalité externe et les moyens de légalité interne
en RPC les moyens sont illimités .Ils peuvent concerner à la fois des moyens de droit, mais également des moyens de fait comme une violation du contrat ou bien une faute
les délais de recours :
REP : 2 mois
RPC : 30 ans même s’il existe certaines hypothèses où d’autres délais s’appliquent . Par exemple il est de 4 ans pour les dettes de l’État et des CT.
La procédure :
REP : le recours à un avocat n’est pas obligatoire même s’il existe plusieurs exception notamment si le recours va jusqu’au CE.
RPC : le recours à un avocat est obligatoire
les effets de la décision :
REP : effet erga omnes (à l’égard de tous). La décision est revêtue de l’autorité absolue de chose jugée
RPC : effet limité aux parties à l’instance
Ces différents critère sont avant tout une visée pédagogique et explicative , i.e qui permettent de présenter les grands éléments de la distinction entre ces deux recours. Toutefois ils ne sont pas parfaits dans la mesure où il existe plusieurs exception et que ces deux recours ont eux-même évolué.
II. les atténuations de la distinction
A. le rapprochement des hypothèses de recours
Tout d’abord la JP a admis une ouverture des hypothèses de REP . Par exemple, en matière de contrat administratif où le REP est traditionnellement exclu.
Possible de REP pour contrat administratif :
arrêt 1996, Cayzeele : possibilité de REP contre les clauses d’un contrat que le CE a récemment défini comme les clauses qui ont par elle même pour objet, l’organisation ou le fonctionnement d’un service public (CE, 2018, communauté d’agglomération Val d’Europe).
CE, 1998, Ville de Lisieux : permet un REP contre les contrats de recrutement des agents publics.
Inversement on constate un rapprochement du RPC vers le REP . Par xemple, certains RPC soulèvent une question de légalité qui conditionne l’analyse des circonstances du litige . Par exemple, matière fiscale ou électorale
B. le rapprochement des pouvoirs du juge
Le juge statuant en REP a plusieurs solutions à sa disposition . Traditionnellement il peut seulement annuler l’acte ou rejet la requête . L’annulation a un effet rétroactif , i.e l’acte est censé n’avoir jamais existé ( CE, 1925, Rodière).
Depuis quelques années plusieurs évolutions ont permi une modernisation des pouvoirs du juge . Par exemple, depuis 1995, le juge a un pouvoir d’injonction envers l’administration.
D’autres exemples peuvent cité comme : CE, 2003, El Bahi : le juge du REP peut opérer une substitution de base légale
D’autres exemple, CE, 2004, association AC !: permet au juge de moduler ses pouvoirs ne lui permettant un maintient conditionnel de la décision ; Une modulation de la rétroactivité ou encore de prévoir une abrogation de l’acte à effet différé. C’est à dire que l’acte ne va disparaître qu’à une date fixée dans le futur.
Inversement, s’agissant du RPC, plusieurs évolutions récentes ont permis une modernisation de ce recours :
CE, 2009, scté ATOM : le contentieux des sanctions infligées aux administrés a basculé du REP vers le RPC
CE, 2009, Commune de Béziers 1 : la nullité d’un contrat n’est qu’une sanction parmi d’autre prononcée par le juge , celui-ci disposant d’un pouvoir de modulation de la sanction et notamment le juge recherche la loyauté des relations contractuelles.
Dans la continuité de cette Affaire Bézier 1, le CE a rendu en 2011 un arrêt Bézier 2 . Il a ouvert le recours en reprise des relations contractuelles : CE, 2014, Tarne et garonne : le RPC est ouvert aux tiers à un contrat
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