Droit administratif - Droit du travail
“Pénuries de carburants”, “comportements violents à la pompe”, “débordements et troubles à l’ordre public”. Voici ce que nous entendons au journal du 20h.
Dans un contexte où les raffineries sont paralysées depuis le 21 septembre 2022, la Première Ministre a retroussé ses manches et va réquisitionner une partie du personnel des raffineries, en passant par des arrêtés préfectoraux.
Et en droit, ça donne quoi ?
Service public ou pas service public ?
Le cas présent est particulier, en ce qu’il s’agit d’entreprises privées qui n'appartiennent pas à un service public. Toutefois, ce dernier est directement impacté. En effet, la continuité du service public dépend foncièrement des moyens de transport et par conséquent du carburant. "Sans carburant, vous ne pouvez plus faire rouler les ambulances, les pompiers, les bus… Suivant cette logique, la perquisition permet de rétablir la continuité du service public” (Benjamin Morel, Maître de conférence à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas). C’est notamment l’avis du Conseil d’État en 2010.
Une histoire de déjà vu ?
Ce n’est pas la première fois, sous la Vème République, qu’il y a un mouvement de grève concernant les raffineries. Deux cas sont notamment à référencer :
1er cas : Oui à la réquisition ! Le premier concerne un blocage de 12 raffineries en 2010. Le Gouvernement avait réquisitionné le personnel par la voie des arrêtés préfectoraux. Les grévistes contestent celle-ci et saisissent le tribunal administratif de Versailles en invoquant une atteinte au droit de grève. L’affaire fut ensuite portée devant le Conseil d’État. Les juges “reconnaissent la réalité des risques pesant sur le maintien de l’ordre public” et constatent une menace pour “le ravitaillement des véhicules de services publics et de services de première nécessité” (CE, 27 octobre 2010, n° 343966)
2ème cas : Non à la réquisition ! À l’occasion d’une procédure en référé, le tribunal administratif de Melun jugeait qu’il y avait une “atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève” et ce, en réquisitionnant “la quasi-totalité du personnel de la raffinerie”. La réquisition du personnel ne doit ainsi concerner que celui strictement nécessaire. Elle doit amener à un service minimal, et non à un retour du service à la normal.
Autrement dit, si la réquisition est permise, elle reste encadrée par le juge administratif. Il ne peut ainsi réquisitionner la totalité du personnel.
Outre cette condition, la réquisition est soumise à d’autres obligations.
La réquisition du personnel gréviste : un mécanisme inscrit dans le droit positif
Bien qu’elle puisse paraître autoritaire, la réquisition est autorisée par la loi. Cependant, elle est encadrée. Au regard de l’article L.2215-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), la réquisition par les préfets n’est permise que si :
il existe une urgence ;
il y a une atteinte à la salubrité, la tranquillité et la sécurité publique (composantes de l’ordre public traditionnel) ;
leurs moyens sont insuffisants ;
l’arrêté est motivé.
De plus, la réquisition doit viser à mettre fin à l’atteinte de l’ordre public et à assurer les conditions de son maintien.
Il peut être noté que la réquisition ne doit concerner que le personnel nécessaire au fonctionnement du service ou à l’usage du bien.
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