Droit de la mer, Droit international & Droit d'asile
Contexte
Le malheur peut également trouver ses coïncidences. Le 12 novembre dernier, le réfugié iranien Mehran Karimi Nasseri, ayant inspiré le film « Le Terminal » de Steven Spielberg, s’est éteint. Ce dernier s’était fait connaître du grand public de par sa situation juridique, l’ayant obligé à vivre plus de 18 ans dans un terminal de l’aéroport de Roissy. Ce vendredi 11 novembre, 234 migrants secourus par le Navire Ocean Viking, ont pu rejoindre la base navale de Toulon, relançant ainsi le débat autour d’une notion juridique quelque peu atypique.
Dans un contexte diplomatique particulièrement houleux, l’Italie a refusé de laisser le navire humanitaire Ocean Viking débarquer. Dans une situation d’urgence, le Préfet du Var a donc créé, par arrêté, une zone d’attente temporaire allant du 11 novembre au 6 décembre 2022, sur l’emprise de la base navale de Toulon et sur celle du Village Vacances de la ville de Hyères. Les rescapés, contrairement aux allégations mensongères parfois lues, demeurent donc juridiquement aux frontières de la France. Petit retour sur ce droit d’asile, et plus particulièrement, sur cette notion de zone d’attente.
Un pont entre plusieurs disciplines juridiques
Le Pacte européen sur la migration et l’asile dont la première étape de mise en oeuvre a été adoptée en 2022, est un accord intergouvernemental consistant à ce que les Etats membres touchés par les flux migratoires puissent recevoir une assistance adaptée par les autres États membres. Concilier le droit international, le droit de la mer et les droits fondamentaux fut initié notamment par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, adoptée en 1974, et par la Convention des Nations-unies sur le droit de la mer, adoptée en 1982. Ces conventions avaient pour but premier de créer l’obligation de secourir toute personne en péril. Ainsi, le droit international n’impose pas un débarquement dans le port le plus proche mais bien dans un lieu sûr. Cette distinction fut opérée par un ajout en date de 2004, à la Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritime, initialement adoptée en 1979.
L’autre problème réside dans le fait que l’Italie est signataire de la Convention de Genève, laquelle impose qu’un réfugié ne fasse pas l’objet d’un renvoi dans un pays où sa vie ou sa liberté sont gravement menacées. Ainsi, le décret pris par Madame Meloni, lequel autorise uniquement le débarquement des femmes, mineurs et blessés, promet un débat juridique intéressant sur sa comptabilité ou non avec les dispositions internationales sur lesquelles l’Italie est engagée. D’autant que, Monsieur Salvini avait déjà été attaqué en justice pour séquestration de personnes, missions et refus d’actes officiels lors de l’épisode du navire Open Arms en août 2019. Reste donc à voir si un recours sera intenté par un Etat ou par la Commission européenne.
La zone d'attente, une curiosité de la petite boutique juridique
Les zones d’attente existent depuis la loi « Quilès » du 6 juillet 1992. Ces dernières furent créées afin de remplacer les « zones internationales » comportant de nombreux flous juridiques. Bien que les zones internationales considéraient les personne situées sur celles-ci comme étant « hors du droit », les zones d’attente conservèrent partiellement cette logique en considérant que ces mêmes personnes ne pénètrent pas juridiquement sur le territoire français. Ainsi, les demandes d’asile relèvent donc du régime de « l’asile à la frontière » selon les articles L.350-1 à L.352-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Les procédures concernant ces demandes s’avèrent plus contraignantes que les demandes de personnes admises sur le territoire français, tout en sachant que les garanties apportées dans l’examen de la demande d’asile à la frontière sont plus dégradées. La zone d’attente ad hoc a cet effet de tampon permettant d’éviter que les passagers étrangers se rendent dans une structure de premier accueil pour solliciter l’asile en préfecture et recevoir des conditions matérielles d’accueil durant tout l’examen de leur demande. Depuis la loi « Besson » du 16 juin 2011, une zone d’attente n’a pas besoin d’être réellement prédéfinie, puisqu’elle peut désormais se créer selon le point d’entrée d’au moins dix étrangers en dehors d’un point de passage frontalier. La zone d’attente fut utilisée à de nombreuses reprises, à l’instar de l’affaire du bateau de 123 kurdes sur une plage Corse, ou encore le rafiot de 910 kurdes yésidis échouant sur une plage de St Raphaël.
Quoi qu’il en soit, le Juge des Libertés et de la détention a déjà annulé pour vice de procédure le maintien dans la zone temporaire d’au moins 17 migrants. Les mineurs non-accompagnés seront dans tous les cas pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance et la plupart devraient être accueillis vers des États membres qui se servent engagés à les accueillir. D’autres ( les plus chanceux ?), seront régularisés.
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