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Pas d'oranges à livrer en prison pour les anciens PDG de France Telecom

Droit pénal & Droit du travail

Décision Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2022



Contexte


France Telecom, désormais renommée Orange depuis 2013, fut sujette à une première décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 20 décembre 2019 (TGI, Paris, 20 décembre 2019, « Orange SA », n°0935790257). Lors de ce procès médiatisé à 4/5 sur l’échelle des funérailles d’Elisabeth II, les peines tombèrent sur de nombreux acteurs. D’une part, l’on peut citer la condamnation de la société Orange d’une amende de 75 000 euros. Mais surtout, la peine de Didier Lombard, ex-PDG de France Telecom qui fut condamné à une peine de 1 an d’emprisonnement dont 4 mois ferme, celle d’Olivier Barberot (ex DRH de France Telecom) d’une peine de 1 an de prison dont 4 mois ferme et 15.000 euros d’amende, ou encore la condamnation de Louis-Pierre Wenès, ex numéro 2 consistant à un an de prison dont 4 mois ferme également.

Les fondements de la décision furent jugés historiques : harcèlement moral institutionnel.

Vendredi 30 septembre 2022, certains condamnés en première instance eurent le verdit d’une seconde décision, rendue par la Cour d’appel de Paris. Alors ?



Une décision moins sévère dans la forme, intransigeante sur le fond.


Bien que la Cour d’appel de Paris ait confirmé la notion innovante de « harcèlement moral institutionnel », il n’en demeure pas moins que les principaux acteurs du litige furent jugés de façon plus douce qu’en 2019. Ainsi, Didier Lombard et Louis-Pierre Wenès reçurent une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis. Brigitte Dumont et Nathalie Boulanger (deux anciens cadres) ont été déclaré coupables de complicité à 6 et 4 mois de prison avec sursis, et deux prévenus furent relaxés.


Les faits étaient globalement assez connus du grand public. La transformation du secteur de la téléphonie-mobile s’imposait aux grands acteurs pour rester concurrent, ce qui entraina une profonde refondation de France Telecom à partir des années 2005, à commencer par un objectif de réduction massif de l’effectif. Seulement, cela ne se fit pas sur la base du volontariat mais vraisemblablement dans une ambiance extrêmement rude et compétitive, poussant certains salariés à se jeter par les fenêtres des bâtiments de la société.


En 2019, la Cour interpréta la baisse des effectifs comme la priorité à partir de 2006, poussant ainsi les dirigeants à instaurer une politique industrielle de harcèlement moral. Ainsi, elle jugea que la méthode utilisée pour parvenir à des buts de réduction d’effectif, excédait largement le pouvoir normal attribué à une direction et de contrôle du chef d’entreprise. Il était notamment fait référence au plan « Next » consistant à renvoyer absolument 22 000 personnes entre 2006 et 2009.


Ainsi, cette décision d’appel consiste en une consolidation de l’apport innovant de la précédente jurisprudence, à savoir, cette notion de harcèlement moral institutionnel. En cas de pourvoi en cassation, la Cour de cassation aura à se prononcer sur l’interprétation de la loi. Il est ainsi pertinent, pour nos très chers étudiants, de nous attarder un peu sur cette notion et ses mécanismes.


Le harcèlement moral institutionnel, késaco ?


Dans le harcèlement moral, désormais, 3 éléments matériels permettent de valider la caractérisation. D’une part, le premier élément réside dans « des agissements porteurs, par leur répétition, de façon latente ou concrète, d’une dégradation potentielle ou effective des conditions de travail de la collectivité ». Cela permet également de prendre en compte le nouveau concept de « bore out » retenu en jurisprudence (Crim, 26 janvier 2016, ex : isolement des personnes).


En deuxième élément, il était possible de mentionner les agissements outrepassant les pouvoirs de direction (ex, l’excès de pouvoir d’organisation managériale, Crim, 21 juin 2005).


Enfin, l’harcèlement qui nous concerne ici est le plus novateur en ces qu’il consiste en des agissements qui procèdent d'une politique d'entreprise ayant pour but de structurer le travail de tout ou partie d'une collectivité d'agents et la mettent en oeuvre. Le plan next s’apparentait doctement ici comme un plan concerté affectant directement les ressources humaines. Lorsque la décision fut rendue par le TGI de Paris, nous passâmes donc d’une qualification interindividuelle à un délit institutionnel, expliquant ainsi la qualité des personnes mises en cause.


La chambre criminelle de la Cour de cassation avait également condamné certaines méthodes brutales de gestion (Cass. crim., 21 juin 2015). Néanmoins, ce harcèlement de type managérial se caractérisait par les méthodes de gestion « mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ».

Il est donc intéressant de voir que cette notion tend d’une part à se confirmer, et d’autre part, à venir préciser la notion d’harcèlement moral tout en y ajoutant diverses formes selon les cas d’espèce.


Reste donc à savoir si la Cour de cassation sera amenée à se prononcer ou non. Institution judiciaire la plus harcelée de notre beau pays.





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