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Point sur la police administrative


Pour exercer leur mission, les autorités de police administrative peuvent être amenées à recourir non seulement à des actes juridiques (édicter des règlements – encadrement, limitation voire interdiction de certaines activités, de certains lieux dangereux – ou prendre des décisions individuelles : autorisations, agréments, injonctions, mises en demeure, réquisitions) mais aussi à des actes matériels (réaliser des opérations de terrain : de contrôle, de surveillance ou de protection notamment, mais aussi de nettoiement, d’enlèvement des encombrements, de démolition ou de réparation des édifices menaçant ruine, de secours, de signalisation des dangers). 


Mais quels que soient les moyens utilisés, les mesures de PA sont, par nature, restrictives, limitatives de libertés (collectives ou individuelles). La première spécificité de la police administrative réside donc dans le fait, qu’à la différence des autres missions de service public, elle ne correspond pas à une activité de prestation, mais seulement à une activité de réglementation, de contrôle et donc de restriction de la liberté d’action des individus en société.


Distinction des polices administrative et judiciaire 


Les mêmes autorités ou agents peuvent cumuler des fonctions de PA et de PJ : outre les cas particuliers du maire (OPJ en vertu de l’art. 16 CPP) et de ses adjoints (CE, 1991, Ribaute et Balanca), c’est le cas de toutes les forces de PJ (OPJ / APJ, qu’ils appartiennent à la police nationale ou à la gendarmerie). 

🡪 Ils remplissent une mission de PA lorsqu’ils effectuent une ronde de surveillance pour prévenir les troubles à l’ordre public.

🡪 Ils réalisent une mission de PJ lorsqu’ils poursuivent l’auteur d’une infraction. 


La JP se fonde sur le critère finaliste du but de l’opération en cause, càd de l’intention dans laquelle les autorités de police ont agi (CE, 1951, Consorts Baud ; TC, 1951, Dame Noualek). En effet, les opérations de PJ visent à constater les infractions à la loi pénale, à en rassembler les preuves et à en rechercher les auteurs pour les arrêter (art. 14 CPP). Une opération de police est donc de nature judiciaire lorsqu’elle est motivée par la répression d’une infraction déterminée. 

Par conséquent, dès lors qu’une opération a pour finalité la prévention, la constatation, ou la répression d’une infraction déterminée, il s’agit d’une opération de PJ (CE, 1951, Consorts Baud : tiers mortellement blessé par le tir perdu d’un agent de police au cours d’une opération visant à arrêter des malfaiteurs > opération de PJ / compétence du JJ).

Il arrive qu’une même opération paraisse mêler les deux finalités. Ce n’est pas problématique tant qu’il est possible d’établir une césure temporelle nette entre les finalités de l’opération. La nature de l’opération de police suit alors son changement de finalité (TC, 1977, Dlle Motsch : il est question d’un barrage de police dans le cadre d’une opération de maintien de l’ordre public : contrôles d’identité à titre préventif : PA / JA ; puis de la poursuite d’individus ayant forcé le barrage > PJ / JJ). 

En revanche, si aucune césure temporelle ne permet de dissocier les finalités d’une opération, lorsque le dommage résulte à la fois de l’aspect judiciaire et administratif d’une même opération de police, c’est la nature de l’opération qui se trouve essentiellement à l’origine du préjudice qui commandera la compétence juridictionnelle (TC, 1978, Soc. Le Profil).


La police administrative générale 


La police administrative générale (PAG) se caractérise par la combinaison d’un critère finaliste, son but, et d’un critère organique, les autorités habilitées à l’exercer.


Le but de la police administrative générale


L’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public 

Le CC conçoit la sauvegarde de l’ordre public comme la condition minimale de la jouissance des autres droits et libertés constitutionnellement protégés (DC, 1982, Communication audiovisuelle).


Les composantes de l’ordre public 


D’une part, les 3 objets qui composent l’ordre public conçu comme un ordre matériel et extérieur (CGCT), c’est-à-dire : 

  • La sécurité publique, 

  • La tranquillité publique 

  • La salubrité publique. 


D’autre part, les deux objets qui composent l’ordre public conçu comme un ordre conforme à la morale et aux bonnes mœurs, à savoir : 


  • La moralité publique : une activité peut faire l’objet de mesures de PAG dès lors que des circonstances locales particulières révèlent que cette activité trouble particulièrement la moralité publique (moralement problématique ou contestable) (CE, 1959, Société Les Films Lutetia). 

  • La sauvegarde de la dignité de la personne humaine est aujourd’hui considérée comme un but justifiant en soi la prise de mesure de PAG (CE, 1995, Cne de Morsang-Sur-Orge), indépendamment de toute circonstance locale particulière.



Les autorités de police administrative générale 


La PA ne peut être exercée que par des personnes publiques. En d’autres termes, la PA ne peut être déléguée à des personnes privées par une AA (CE, 1932, Ville de Castelnaudary).

CE, 1997, Cne d’Ostricourt : le maire ne peut confier des missions de surveillance de la voie publique à une société privée de surveillance et de gardiennage.


Le premier ministre 


L’autorité nationale compétente pour exercer la PAG est le chef du gouvernement. 

CE, 1919, Labonne : il appartient au chef de l’Etat, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l’ensemble du territoire.


Le préfet 


Autorité de PAG de droit commun dans le département. Loi 1884 puis L2215-1 CGCT : il peut prendre des mesures pour toutes ou plusieurs communes en l’absence de mesures des autorités municipales. 


Par contre, si le préfet n’a pas usé de ses pouvoirs de substitution alors qu’il le devait, c’est la responsabilité de l’Etat qui sera engagée. Durant longtemps, c’était sur le fondement de la faute lourde (CE, 1962, Doublet), aujourd’hui faute simple (CE, 2003, Commune de Moissy-Cramayel).


Le Maire 


Autorité de PAG de droit commun dans la commune depuis loi 1884 codifiée au L2212-1 et s. CGCT. Le maire a la charge de la police municipale = sauvegarde de l’ordre public dans la commune. Pouvoir propre du maire qui ne relève pas de la compétence du conseil municipal. 


Les polices administratives spéciales et les concours entre polices


Diversité des polices spéciales 


Les polices spéciales sont des missions de réglementation exercées pour sauvegarder un intérêt public déterminé par le texte qui institue ces missions (phytosanitaire...)


Spécialité en raison de l’autorité chargée d’exercer la police administrative 


Les autorités de PAG de droit commun sont le Premier ministre, les préfets et les maires. 

Une police est donc spéciale, en premier lieu, si elle est attribuée à une autorité différente de celle qui serait normalement compétente au titre de la PAG. Ex : président du CD est autorité de police compétente pour gestion du domaine départemental. 


Spécialité en raison des mesures de police susceptibles d’être mises en œuvre 


La PAG permet l’édiction de toutes mesures dès lors qu’elles sont strictement proportionnées à la gravité du trouble à l’ordre public qu’il faut prévenir ou faire cesser. 

Par contre, les PAS permettent la prise de toutes les mesures prévues par les textes spéciaux qui les instituent. Ces mesures peuvent être égales, inférieures ou supérieures en gravité à celles qui peuvent être prises au titre de la PAG. 


Spécialité en raison de l’intérêt public à sauvegarder 


La PAG ne peut être exercée que dans un but d’ordre public général, càd pour prévenir ou faire cesser les atteintes à la sécurité publique, la tranquillité publique, la salubrité publique, la moralité publique en cas de circonstances locales particulières, la dignité de la personne humaine. 

Selon les cas, les PAS peuvent poursuivre des finalités identiques ou différentes, càd tendre à sauvegarder d’autres intérêts publics que ceux relevant de la PAG. Ex. : La police de l’affichage, de la publicité et des enseignes : but = sauvegarde de l’esthétique et de l’environnement (pas des buts d’ordre public général).


Les concours entre polices administratives


Entre polices administratives générales 


Les autorités de PAG à ressort territorial limité doivent respecter les mesures décidées par les autorités compétentes sur un ressort territorial supérieur. Sauf texte spécial, l’autorité inférieure ne peut alléger les mesures décidées au niveau supérieur. Par contre, l’autorité inférieure peut toujours aggraver les mesures édictées par l’autorité supérieure à condition que les circonstances locales exigent une telle aggravation (CE, 1902, Commune de Néris-Les-Bains).


TA Caen, ord. 31 mars 2020 : un arrêté du maire (sur fdmt décret 23 mars 2020) interdisait la circulation des personnes sur l’ensemble de la commune entre 22h et 5h sur 5 jours, en raison de feux de poubelle et traces d’effraction dans un stade. Mais, les circonstances locales ne justifiaient pas la nécessité de restrictions supp au regard du risque de propagation de l’épidémie et de la sécurité publique


Entre polices administratives générale et spéciale 


Le concours entre PAS et PAG est toujours possible lorsque leurs finalités respectives ne se couvrent pas totalement. 

En revanche, dès lors que les finalités sont identiques et que l’autorité de police spéciale exerce pleinement sa compétence, l’autorité de police générale ne peut intervenir en principe (CE, 1935, Établissements S.A.T.A.N ; CE, 31 déc. 2020 : la PAG du maire ne lui permet pas d’édicter une réglementation portant sur les cond° générales d’utilisation des produits phytopharmaceutiques qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre.

Dès lors que le préfet exerce sa compétence à ce titre, rien ne justifie que le maire exerce son pouvoir de PAG. 

En cas d’action de la PAS mais que les circonstances locales le justifiant, l’autorité de PAG peut aggraver les mesures décidées par la PAS (CE, 1959, Soc les Films Lutétia : Un maire peut refuser la projection d’un film dans sa commune alors que le ministre lui a délivré l’autorisation d’exploitation en raison du caractère immoral du film et de circonstances locales justifiant cette interdiction).

CE, 16 fév. 2021 : suspension de l’arrêté d’un maire qui interdit les locations saisonnières en l’absence de circonstances locales particulières


Le régime des mesures de police administrative 

Le régime ordinaire

Les conditions de régularité externe 


Les décisions individuelles de PA doivent respecter l’obligation de motivation imposée par la loi du 11 juillet 1979 puis encadrée par le CRPA ainsi que l’obligation de contradictoire imposée par loi du 12 avril 2000. Attention : possible de déroger à ces obligations en cas d’urgence.


Les conditions de légalité interne 


🡪 1ère règle : Seul le législateur peut soumettre l’exercice d’une activité à déclaration préalable 

  • CE, 1927, Carrier : illégalité de l’arrêté municipal soumettant les promenades en montagne à déclaration ou autorisation préalable 

  • CE, 1951, Daudignac : illégalité de l’arrêté municipal soumettant l’activité des photographes-filmeurs à autorisation préalable. 


🡪 2ème règle : Sauf dans les hypothèses jurisprudentielles (TC, 1902, Soc Immob de Saint-Just : loi, urgence, absence de sanctions autres), l’exécution forcée d’une décision administrative, même légale, même justifiée par la sauvegarde de l’ordre public, est irrégulière


🡪 3ème règle : La proportionnalité = « mécanisme de pondération entre des principes juridiques de rang équivalent, simultanément applicables mais antinomiques » (J-M Sauvé, Discours de 2017) (« La police ne doit pas tirer sur des moineaux à coup de canon », Fleiner).


Outre le fait qu’elles doivent se fonder sur des faits matériellement exacts, les mesures de PA doivent poursuivre la finalité qui les justifie (protection de l’ordre public général ou d’un ordre public spécial) et être proportionnées à cette finalité. 

Les mesures de PAG ne doivent poursuivre que la sauvegarde d’une des composantes de l’ordre public : sécurité publique, salubrité publique, tranquillité publique, moralité publique en cas de circonstances locales, dignité de la personne humaine. 

Elles doivent être proportionnées au but poursuivi (CE, 1933, Benjamin) : aurais-je pu prendre une mesure moins restrictive de liberté qui m’aurait permis d’atteindre le même résultat ? Pour cette raison, les interdictions générales et absolues sont proscrites en principe. En tous domaines, la PA ne peut prononcer des interdictions absolues que si aucune mesure moins rigoureuse ne permet d’assurer la sauvegarde de l’ordre public ; si l’interdiction s’avère être la seule mesure permettant de prévenir ou faire cesser le trouble à l’ordre public (CE, 1995, Cne de Morsang-Sur-Orge). En revanche, si la nécessité d’une mesure d’une telle gravité n’est pas établie, elle sera jugée illégale. 


🡪 CE, 2003, Lecomte ; CE, 2003, Association AC Conflent : Légalité d’arrêtés anti-mendicité dans la mesure où ils étaient limités dans le temps (de 9h à 20h durant la période estivale) et dans l’espace (seul centre-ville). Ce sont des mesures d’interdiction légalement justifiées par les nécessités de l’OP.


🡪 CE, 16 juil. 2021 : un arrêté municipal prohibant le seul fait de laisser plus de 2 chiens stationner, même temporairement sur la voie publique, ou le fait pour un groupe de plus de 3 personnes d’émettre des bruits de conversation audibles par les passants sans en préciser la durée ou l’intensité, 24/24 et 7/7 = interdiction générale et absolue portant atteinte disproportionnée à la LAV au regard de l’objectif de sauvergarde de l’OP poursuivi


Discours 2017 J-M Sauvé : pp au service d’une protection accrue des DF avec influence cours européennes appréciant strictement les atteintes aux libertés, mais ne s’exerce pas encore de manière générale en laissant encore une marge d’appréciation aux autorités publiques (expropriation, débats éthiques ou moraux). « Il ne saurait conduire à méconnaitre les intérêts généraux dont l’État et les CP ont la charge = piliers du vivre ensemble avec DLF ».







SUJETS TYPES


La police administrative générale

Polices administratives générale et spéciale

Les mesures de police

L’ordre public

Les autorités de police






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