Organisation juridictionnelle & Droit de la famille
Cass., Civ. 1ère, 15 juin 2022, n°21-17.654
Contexte sur le fond et les procédures antérieures
Un homme est décédé à l'âge de 23 ans des suites d'un cancer après avoir procédé au dépôt de ses gamètes auprès du centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme humain. Cet établissement relève de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (l'AP-HP).
La mère du défunt a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'imposer à l'AP-HP d'exporter les gamètes vers un établissement de santé en Israël. Le 2 novembre 2018, le juge a refusé ; idem pour le juge des référés du Conseil d'état, le 4 décembre 2018.
Le 12 novembre 2019, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré irrecevable la requête de la mère, invoquant une violation de l'article 8 de la Convention. La Cour affirme que le droit à devenir parent n'est pas un droit transférable à l'ascendant ou au descendant du défunt. Il n'existe pas non plus de droit à une descendance pour des grands parents.
Contexte sur la procédure en question
Le 22 janvier 2020, la mère invoque l'existence d'une voie de fait et demande à la juridiction judiciaire d'enjoindre l'AP-HP à lui restituer les gamètes de son fils.
L'AP-HP soulève alors une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. La cour d'appel de Paris, le 6 avril 2021, a déclaré la juridiction judiciaire incompétente. La mère se pourvoit alors en cassation.
La question posée ainsi à la Cour de cassation était donc la suivante : Est-ce que le juge judiciaire est compétent pour connaître des litiges portant sur la privation de la possibilité d'user des gamètes par le parent du défunt, laquelle constituerait par ailleurs une voie de fait ?
Solution de la Cour de cassation
La Cour de cassation répond par la négative. Elle affirme que toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d'altérer la fertilité peut bénéficier du recueil ou du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d'une assistance médicale à la procréation, de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Si la personne décède, il est mis fin à la conservation des gamètes.
La juridiction administrative est en principe compétente pour connaître des demandes dirigées contre un établissement de santé public au titre du transfert et l'exportation de gamètes.
Par ailleurs les gamètes humains ne constituent pas des biens (art. 1er du protocole additionnel n°1 à la CEDH). Il n'y a donc pas d'atteinte au droit de propriété. En outre, la liberté de procréer n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle (art. 66 Constitution). Il n'y a donc pas non plus d'atteinte à la liberté individuelle.
Par conséquent, il n'y a pas de voie de fait : le juge judiciaire ne peut être compétent par exception pour ce type de demande.
Seul le juge administratif est donc compétent pour ce type de contentieux.
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