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Sacraliser l'originalité d'une photographie ? L'objectif des juges

Droit d'auteur

Décision CA Versailles, 25 octobre 2022



Contexte


Franklin P. Jones disait que « l’originalité, c’est l’art de savoir camoufler sa source ». Au temps d’instagram & cie, ardu est le travail d’un juge de pouvoir reconnaître une photo originale d’une autre, qui plus est lorsque les auteurs s’inscrivent de façon croissante dans un monde où chacun se pense être inédit. Ajoutez à cela le contexte des plateaux de tournage, et il sera effectivement très délicat pour le juge de déclarer que tel photographe professionnel s’est totalement détaché de la vision du réalisateur pour imposer la sienne, sur un même décor.


L’affaire rendue par la Cour d’appel de Versailles, ce 25 octobre dernier, démontre une fois de plus qu’on ne démontre pas avec l’originalité d’une oeuvre. L’originalité de sept photographies de plateau fut refusée, de sorte à ne pas pouvoir les inscrire dans le régime juridique de la protection du droit d’auteur. En l’espèce, il s’agissait de photographies de Jean-Luc Godard et de Jean-Paul Belmondo lors du tournage de Pierrot le Fou. Retour sur cette affaire et cette notion.



L’exigence élevée autour de l’originalité d’une photographie de plateau


On ne peut qualifier le droit d’auteur et l’appréciation du caractère original de l’oeuvre comme des mystères juridiques, mais il reste tout de même possible de reconnaitre au juge, si tenté qu’il procède d’une belle imagination, un immense pouvoir. Devinette à l’attention de nos lecteurs. Selon vous, des choix de mise en scène, d’éclairage, de pose, de cadrage ou encore d’angles de prises de vue distincts de ceux du réalisateur du film, peuvent-ils suffirent à refléter la personnalité de l’auteur de la photographie ?


Cela s’avère insuffisant selon la décision de la Cour d’appel, qui énonce que par cette démarche, l’impression visuelle tend à rendre hommage aux choix préexistants du réalisateur, plutôt que de dévoiler la personnalité propre du photographe, lequel n’explique au préalable nullement ses choix selon son identité. L’appelante avait également apporté des photographies en noir et blanc, revendiquant ce choix des couleurs par une volonté artistique du photographe. La Cour a déclaré que l’impression visuelle qui se dégageait desdits clichés procédait uniquement de toutes les photographies réalisées en noir et blanc, et que même si la photographie démontrait un savoir-faire photographique, rien n’était explicité sur le rattachement entre le choix des couleurs et la personnalité du photographe. Ainsi, le caractère original ne fut retenu pour aucune des photographies apportées par l’appelante.



Grand angle sur l’appréciation jurisprudentielle de l’originalité d’une photographie de plateau


La décision susmentionnée n’est pas nouvelle, en ce sens que les connaisseurs s’attendaient à ce que la décision en première instance rendue par le Tribunal Judiciaire de Nanterre du 11 février 2021, allait être suivie par la Cour d’appel. Qui plus est, une décision rendue par la CJUE, plus connue sous le nom de l’affaire « Painer » avait déjà apporté quelques précisions sur le caractère original que pouvait revêtir une photographie de plateau, en déclarant qu’il devait s’agir de choix « libres et créatifs » de la part de l’auteur, démontrant sa touche personnelle. On reprochera cependant un peu plus la logique donnée par le Tribunal Judiciaire de Nanterre consistant à ce que la photographie de plateau est « destinée à figer un instant, contrairement à l’art cinématographique lié au mouvement ». Cette réflexion pourrait déplaire à de nombreux photographes de renom, lesquels revendiquent parfois l’impression de mouvement de leurs oeuvres.


Afin d’avoir une conception d’originalité de la photographie, il est possible d’aller lire l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, en septembre 2005, concernant Le Figaro. La Cour avait jugé que des choix d’angle de vue, notamment de mouvement d’un drap subtilement déposé sur les hanches de l’actrice pour masquer sa nudité, traduisait un parti pris esthétique démontrant l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Il est également possible de se remémorer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 juin 2017, concernant une photographie litigieuse de Jimmy Hendrix. Cet arrêt est intéressant puisque l’un des facteurs ayant permis de reconnaitre l’originalité de la photographique, fut la renommée internationale du photographe.


Enfin, petit rappel historique de cette notion, les photographes de plateau n’étaient au départ pas reconnu comme étant des auteurs, mais comme de simples techniciens, selon la Cour de cassation dans sa décision rendue en première chambre civile, le 1er Mars 1998. C’est dans une décision du 15 octobre 2003, que le juge a reconnu la qualité d’auteur aux photographes de plateau, sous l’unique condition de démontrer une empreinte personnelle par des choix techniques, esthétiques et artistiques. Cheese !




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