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L’intervention des parlementaires en matière budgétaire est une nécessité, une protection et une garantie. Une nécessité démocratique, une protection contre l’arbitraire du gouvernement, une garantie d’une bonne gestion des finances publiques. Au regard de la séparation souple des pouvoirs, le parlement est donc le contre-pouvoir de l’exécutif. A ce titre, les deux pouvoirs collaborent et se contrôlent réciproquement.
L’ordonnance de Villèle de 1822 a posé la règle des quatre temps alternés. Celle-ci traversa le temps et fut conservée par Constitution de 1958 mais aussi par la LOLF. Elle signifie notamment que le parlement adopte le projet de loi de finances élaboré par l’exécutif, et qu’il vient contrôler l’exécution de la loi de finances. Au-delà, il s’agit d’une véritable évaluation, plus qu’un contrôle, qui est opéré par le parlement. Cette collaboration étroite entre les deux organes est nécessaire au regard du principe de consentement à l’impôt tel qu’il résulte de la Déclaration de 1789. Il s’agit de la démocratie. Jean-pierre Camby explique que « la démocratie, c’est aussi le droit de savoir, d’autoriser par le biais de représentants la perception de l’impôt et la dépense et d’en contrôler l’efficacité » [i] . Or aujourd’hui, dans une ère où les dépenses augmentent et les prélèvements fiscaux aussi, il est patent qu’eu égard de ce dernier principe, l’intervention du parlement en matière budgétaire et financière soit renforcée, réelle, effective, affirmée. Mais tel n’en a pas toujours été le cas malgré l’existence d’un tel fondement dans la Déclaration de 1789. Si sous la III ème République, il s’agissait d’un parlementarisme absolu, sous l’empire de la Constitution de 1958, le parlement voit ses pouvoirs rationnalisés et notamment en matière budgétaire. L’ordonnance de 1959 portant LOLF n’a pas non plus renforcé les pouvoirs de cet organe. Le contexte de la V ème République, et l’esprit des constituants de 1958 expliquent cette approche de rationalisation. Mais en raison d’un objectif de performance ainsi que d’un objectif démocratique, le parlement sous l’empire de la LOLF de 2001, a vu ses pouvoirs renforcés et cela sous l’impulsion du rapport de Didier Migaud de 1999. Outre la législation organique, le Conseil Constitutionnel, s’est érigé dès les années 1970 en protecteur des pouvoirs du parlement (depuis la décision Liberté d’association), et de son domaine de compétence, lui permettant et l’amenant à affermir sa compétence. L’intervention du parlement en matière budgétaire et financière ne s’est donc pas faite de manière linéaire. Pourtant, depuis le début du XXI -ème siècle, il est à constater que son intervention s’affermie et cela sous plusieurs aspects.
En effet, l’intervention du parlement emprunte plusieurs aspects. D’abord son intervention est doublement temporelle. D’une part au fil des années, le parlement voit ses pouvoirs amplifiés et notamment depuis la LOLF. D’autre part, il intervient à toutes les étapes de manière secondaire ou à titre principal, durant le cycle budgétaire. Il est nécessaire de joindre ces deux visions temporelles, car elles sont liées. C’est selon les années écoulée depuis 1958 mais surtout depuis les années 2000, que l’intervention du parlement dans la loi de finances s’est affermie. Cela amène à expliquer un autre aspect de l’intervention, qui est l’intervention doublement matérielle. D’une part son intervention se mesure en termes d’amendements formulés, et notamment ceux de la chambre basse. D’autre part il s’agit de ses pouvoirs qui se sont vus augmentés depuis la Constitution de 1958 sous l’impulsion du Conseil Constitutionnel et des fondements textuels qui ont vu le jour. De plus, l’intervention est organique, et donc rejoint l’intervention matérielle. En ce sens, plus d’organes du parlement son sollicités à intervenir en matière budgétaire. Les deux assemblées certes, mais aussi des commissions dont les commissions des finances de chaque chambre à titre principal. Sous l’empire de la LOLF il y a notamment eu un affermissement du rôle de la commission des finances. Enfin, le dernier aspect de l’intervention, qui vient au croisement de tous les précédents aspects, si ce n’est qu’il est en fait la conséquence logique de ces derniers ; il s’agit de l’intervention effective du parlement. A ce titre, il s’agit de la capacité du parlement à adopter, évaluer, et contrôler une loi de finances tout en y accordant des amendements, selon des contraintes tenant au temps limité qui lui est laissé, mais aussi à l’encadrement par la Constitution et par la LOLF.
L’intérêt de l’intervention du parlement en matière budgétaire étant démontrée, il est plus subtil, compliqué, de mesurer celle-ci. En effet, tout dépend du référentiel. Si celui-ci est le temps, alors cela ne pose aucune difficulté. Selon une réflexion chronologique, il est patent qu’il y a eu un renforcement de l’importance de l’intervention du Parlement en matière budgétaire, ne serait-ce que par la protection du Conseil Constitutionnel ou de manière plus évidentes, par les dispositions contenues dans la LOLF. Mais s’il s’agit d’un autre référentiel tel que la performance, la démocratie, ou encore la capacité à être un contre-pouvoir de l’exécutif, alors il y a une difficulté de mesure. De surcroît cette difficulté s’explique par l’imbrication de ces différents référentiels, indicateurs.
Par conséquent, puisque la mesure de l’effectivité de l’intervention parlementaire est difficile, il reste que de manière indirecte, celle-ci peut se réaliser dans l’analyse du rôle attribué au parlement dans le cycle budgétaire.
Or originellement, l’intervention du parlement en matière budgétaire trouve sa justification dans la démocratie. Cependant, depuis le début du XXI ème siècle notamment, la doctrine du new public management guide le cycle budgétaire selon une logique de performance. Dès lors, cette complémentarité d’objectifs a pour conséquence de laisser apparaître un chaînage vertueux au sens de la LOLF, qui suit une logique de performance et de démocratie. Cela a pour conséquence une intervention renforcée du parlement (I). De surcroît, ce cycle est doublement garanti par les textes et le juge constitutionnel, mais connaît néanmoins des obstacles, car il demeure soumis à des aléas exogènes prenant la forme d’obstacles politiques, économiques, juridiques ou encore sociétaux (II).
I. Le cycle budgétaire selon une logique de performance et de démocratie : un chaînage vertueux
La combinaison de la logique de performance induit par la LOLF et de la nécessité démocratique a pour conséquence une intervention renforcée du parlement. Dès lors cela laisse apparaître un cycle vertueux (A). Ce cycle vertueux est complétement effectif parce que les parlementaires disposent de pouvoirs renforcés, tant dans l’adoption de la loi de finances, que dans le contrôle de l’exécution de celle-ci. Ce renforcement des pouvoirs est dû à la combinaison de la logique de performance et de la nécessité démocratique (B).
A. L’intervention renforcée des parlementaires dans le cycle budgétaire : la complémentarité de la performance et de la démocratie
Ainsi que le souligne Mohamed MOINDZE, « Le budget est, sans doute, l’outil de politique publique le plus important. (…). Une participation efficace du Parlement au processus budgétaire est gage d’une efficacité de la démocratie, d’une ouverture au public et d’une bonne gouvernance en matière des finances publiques » [ii]. Autrement dit, dans le but de répondre à un souci de démocratie et de bonne gestion des deniers publics, il est impératif que le parlement intervienne durant le processus budgétaire.
Au regard du principe d’annualité, les lois de finances prévoient le budget pour une année. Dès lors, le parlement n’autorise la perception par l’Etat de recettes ou à dépenser que pour une année. Autrement dit, cette limitation de durée amène – au regard du principe de consentement à l’impôt – le parlement à se prononcer, à autoriser ou non chaque année. En outre, il exige au gestionnaire public de revenir à échéance régulière (une année) devant le parlement pour rendre compte de son action financière et pour venir y chercher l’autorisation de la poursuivre. Or, l’objectif de performance induit par le new public management, relié à un objectif démocratique ont amené à modifier et à repenser l’intervention des parlementaires durant le cycle budgétaire. Dès lors, l’objectif de performance en matière budgétaire implique une contrainte de temps – de délais –, mais aussi une bonne gestion des deniers publics.
Or l’objectif de performance implique par surcroît la capacité au parlement et notamment à la chambre basse, de pouvoir être informée, mais aussi d’agir. Autrement dit, il y a pour l’objectif de performance une vision passive du parlement – l’information – , et une vision active – la capacité à exercer la plénitude de ses pouvoirs –. La combinaison de ces deux objectifs amène à un équilibre dans la dimension temporelle et matérielle de l’intervention des parlementaires. Ainsi, le parlement intervient tant pour l’adoption de la loi de finances que pour le contrôle de l’exécution de celle-ci. C’est là, la dimension active de l’intervention du parlement. Mais dans une dimension passive, il intervient aussi durant l’élaboration du projet de loi de finances ainsi que dans l’exécution de celle-ci notamment au travers de l’obligation d’information du gouvernement vis-à-vis du parlement, et la gestion des missions par chaque rapporteur spécial. Aussi, par la loi de règlement il vient contrôler l’exécution par le gouvernement de la loi de finances. Cela répond à l’objectif de bonne gestion des deniers publics – performance -. Cela laisse donc apparaître un chaînage vertueux.
En effet, la logique induite par la LOLF est celle de la justification par le gouvernement de chaque dépense, autrement dit, la justification au premier euro. Le gouvernement doit demander des crédits au parlement et expliquer pourquoi. Cette information se fait au travers des bleus budgétaires (PAP) et les jaunes budgétaires (RAP). En outre, l’information du parlement est primordiale pour une bonne gestion des deniers publics car de ce fait, cela encadre ipso facto les prérogatives du gouvernement en matière budgétaire : que ce soit dans la mise en place de la politique budgétaire, ou l’exécution de la loi de finances. Outre l’exemple de la loi de règlement, celui de la commission des finances et notamment des rapporteurs spéciaux, permet de démontrer cette combinaison entre performance et démocratie. En effet, les rapporteurs spéciaux suivent l’exécution d’une mission. Et dans le cadre des rapports spéciaux, des questionnaires sont envoyés aux différents ministères. Aussi, depuis la LOLF, le président, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances disposent de pouvoir de contrôle sur pièce et sur place (cf I.B). Enfin, la commission des finances doit être obligatoirement informées (des décrets de virement, de transfert ou d’annulation) ou doit être obligatoirement saisie pour avis (pour les décrets d’avance) par le gouvernement. Cela répond indéniablement à un objectif de performance (bonne gestion des deniers publics) mais aussi de démocratie (en tant qu’elles sont des organes des deux assemblées du Parlement).
Par conséquent, le parlement intervient à toutes les étapes du cycle budgétaire, à titre principal en tant qu’acteur (vision active) ou à titre secondaire (vision passive) auquel cas il s’agit de son information. Le renforcement de son intervention répond à ce double objectif de démocratie et de performance.
B. Les pouvoirs renforcés du parlement dans l’optique de performance et de démocratie : « des invariants et des variants » [iii]
Les pouvoirs du parlement en matière budgétaire ont évolué vers un renforcement. Tant durant la phase d’adoption du projet de loi de finances, que durant la phase de contrôle. Ce phénomène est dû à la combinaison de l’objectif de performance et de démocratie. Ainsi il est à distinguer deux pouvoirs qui correspondent aux phases où le parlement intervient dans la procédure budgétaire. Autrement dit, d’une part le pouvoir de contrôle, et d’autre part, le pouvoir d’adoption de la loi de finances. Cependant s’il y a eu une évolution, il demeure des invariants.
Ces derniers concernent le droit d’amendement du parlement en matière budgétaire, qui est strictement encadré par la lettre de l’article 40 de la Constitution. Malgré ses adaptations à l’objectif de performance il constitue tant une garantie du pouvoir d’amendement, qu’une limite de celui-ci. Cela amène notamment à des contestations et des remises en cause de l’article 40. Cette remise en cause est un invariant. Eric Woerth, président de la commission des finances de l’assemblée nationale, soutient notamment que, « force est de constater que, si sa raison d’être était de maîtriser l’évolution de nos finances publiques, son échec est cuisant. Si son objectif était de restreindre l’initiative parlementaire pour le confort du Gouvernement, cet article est un vestige d’une conception du parlementarisme rationalisé qui n’a plus lieu d’être. Dans les deux hypothèses, son abrogation s’impose »[iv].
Cependant, le droit d’amendement des parlementaires a varié et cela grâce au Conseil Constitutionnel. Si la lettre de la Constitution demeure stricte, le Conseil Constitutionnel vient au renfort de l’initiative parlementaire en matière d’amendement (cf. II. A) . Dès lors si en principe à la lecture de l’article 40 il est interdit la diminution des ressources, le Conseil permet la perte d’une ressource par la compensation d’une ou plusieurs recettes. Il en est presque de même concernant les dépenses puisqu’il permet la compensation de crédits entre programmes d’une même mission. Le parlement a donc le pouvoir d’amender en modulant les ressources et les crédits en l’intérieurs de programmes. Il est donc laissé une marge de manœuvre au parlement. Cela répond logiquement à l’objectif de bonne gestion des deniers publics mais aussi à celui de démocratie. En outre si le droit d’amendement du parlement est strictement encadré, sa référence et son encadrement dans la Constitution demeure une garantie constitutionnelle, un outil du parlement protégé constitutionnellement, donc un invariant.
De plus, ses pouvoirs sont renforcés durant la phase de contrôle. Ce renforcement suit la logique de performance et de démocratie (cf. I.A). A ce titre, la loi de règlement adoptée par le parlement permet d’évaluer et de contrôler l’action du gouvernement en matière budgétaire. C’est là un des pouvoirs de contrôle des parlementaires sur l’action menée par le gouvernement. Bien qu’il existe des critiques concernant la portée contraignante de cette loi, ou encore le fait qu’il ne soit pas accordé de temps suffisant à l’adoption de celle-ci au regard de son objectif, il demeure que le simple fait qu’elle soit une étape dans le cycle budgétaire démontre toute son effectivité au regard du chaînage vertueux. Car en effet, il suit à l’adoption du projet de loi de règlement, le débat obligatoire des finances publiques qui permet au parlement de discuter et de débattre compte tenu du contrôle qui a été fait sur l’exécution de la loi de finances précédente, sur les perspectives budgétaires de l’année qui suit, autrement dit, de se préparer à l’adoption de la loi de finances pour l’année d’après. Dès lors, par l’évaluation et le contrôle au travers de la loi de règlement, il s’agit d’une information du parlement qui participe au chaînage vertueux ainsi qu’à la bonne gestion des deniers publics. D’ailleurs, le reproche qu’il ne soit pas accordé de temps suffisant à l’examen du projet de loi de règlement s’explique par la logique de performance (entendue de manière temporelle). Aussi, le contrôle sur place et sur pièce par le président de la commission des finances, le rapporteur général et les rapporteurs spéciaux, permettent in fine un meilleur contrôle. Ce pouvoir de contrôle est en effet avant tout un droit de regard sur l’action financière, l’exécution de la loi de finances. De surcroît, si la LOLF permet une grande liberté de l’exécutif ne serait-ce qu’au regard des décrets d’avance, ceux-là nécessitent l’avis obligatoire des commissions des finances. Ce sont là des pouvoirs renforcés du parlement en matière budgétaire qui suivent la logique de performance et de démocratie.
En conséquence, que ce soit en matière d’adoption des lois de finances, ou encore de contrôle de l’exécution de l’action du gouvernement en matière budgétaire et financière, le parlement dispose de prérogatives, d’instruments renforcés, qui suivent une logique de performance qui complète celle de la démocratie.
Ce cycle vertueux qui suit une logique de performance et de démocratie n’est pas né ex nihilo, au contraire il est doublement garanti et encadré. D’une part par les textes, mais aussi par le juge constitutionnel.
II. Un chaînage vertueux fragile : une double protection soumise à des aléas exogènes
Le chaînage vertueux où s’inscrit l’intervention du parlement est doublement protégé. D’une part par les textes, et d’autre part par le Conseil Constitutionnel, qui au regard de sa jurisprudence est le protecteur du parlement (A). Cependant, ce chaînage vertueux, malgré sa double protection connaît des limites. Ces dernières viennent fragiliser in fine l’intervention du parlement. Par surcroît, ces limites sont d’ordre internes mais aussi externes au parlement (B).
A. La double protection du chaînage vertueux : la reconnaissance textuelle et la protection par le juge constitutionnel
Ce chaînage vertueux est le fruit d’une protection textuelle, mais aussi d’une évolution. Dans sa première version, la Constitution de 1958 entendait rationaliser les pouvoirs du parlement en matière budgétaire. Dès lors, l’article 40 de la Constitution limite l’initiative parlementaire en matière d’amendement en même temps qu’il le consacre. L’ordonnance de 1959 a suivi la même philosophie en accordant une grande marge de manœuvre au gouvernement au détriment du parlement. Cependant, dans le sens inverse, la LOLF de 2001, sous l’impulsion du rapport de Didier Migaud de 1999, a entendu revaloriser les pouvoirs du parlement. Par ailleurs, les différentes révisions constitutionnelles sous la V ème Républiques ont entendu revaloriser elles aussi le rôle du parlement d’un point de vue procédural (ex : la réforme de 1974 ouvrant la saisine du Conseil Constitutionnel à 60 députés ou 60 sénateurs) et d’un point de vue substantiel. Textuellement, il y a donc une reconnaissance et un renforcement du rôle parlement aujourd’hui en matière budgétaire. Mais ces évolutions textuelles ne sont pas ex nihilo. C’est sous la jurisprudence du Conseil Constitutionnel que celles-ci ont été opéré. Par surcroît, le Conseil Constitutionnel a protégé et renforcé l’intervention du parlement en matière budgétaire. Sa jurisprudence en matière de protection du parlement demeure. C’est par ces deux biais que le chaînage vertueux est consacré et protégé.
A ce titre, au regard de l’architecture de la LOLF (au sens de sa rédaction), elle organise un cycle vertueux. En outre, elle prévoit les obligations d’information du gouvernement au parlement, les conditions d’adoption de la loi de finances, mais aussi vient préciser et ouvrir le champ de l’initiative parlementaire en matière d’amendement. En effet, par exemple elle a laissé une marge de manœuvre considérable au Parlement par la définition de la « charge » (Article 47 LOLF) au sens de l’article 40 de la Constitution, qui se dernier interdit la création ou l’aggravation d’une charge. La définition de la charge étant assimilée à la mission, il est dès lors possible au parlement de pouvoir procéder à la majoration des crédits d’un programme s’il y a une minoration des crédits d’un autre programme (principe de fongibilité). Autrement dit, la lettre de l’article 40 qui est stricte s’est vue assouplie par la LOLF dans la redéfinition de la charge. C’est là une « faculté nouvelle » telle que le souligne le Conseil Constitutionnel dans sa décision sur la LOLF (Cons.const, 25 juillet 2001, n°2001-448, DC). Aussi, l’intervention du parlement se trouve renforcée par la LOLF au regard du principe de spécialité qui implique une nouvelle architecture des lois de finances en missions, programmes et actions. En effet, le vote se faisant par mission, il est possible aux parlementaires de modifier les crédits affectés dans les programmes, mais aussi d’avoir une vision d’ensemble. La LOLF encadre donc l’intervention du parlement, en la revalorisant.
Le Conseil Constitutionnel a anticipé les dispositions contenues dans la LOLF qui renforcent l’initiative des parlementaires. En effet, si le Conseil constitutionnel a une jurisprudence abondante sur les sujets concernant le parlement, ses plus grandes contributions à la protection de cet organe et à la mise en valeur de son intervention sont de deux ordres : d’une part concernant l’initiative parlementaire en matière d’amendement, et d’autre part concernant le contrôle même des lois de finances. Concernant le droit d’amendement des parlementaires, tel que le soutient Alexis Fourmont « S’il [l’article 40 Constitution] prohibe la diminution des ressources publiques par une initiative parlementaire (…) il n’interdit pas la compensation d’une perte de recette par l’accroissement d’une ou plusieurs recettes (Décision n° 76-64 DC du 2 juin 1976, cons. 1.) . Réel et effectivement perçu, ce gage doit bénéficier à l’entité subissant la perte de recettes » [v]. Cet exemple démontre que le Constitutionnel fait une lecture dynamique de la Constitution (puisque la date de sa décision est antérieure à la LOLF) et notamment en ce qui concerne les prérogatives du parlement en matière d’amendement. Mais aussi, dans son contrôle des lois de finances, il veille au respect des principes budgétaires et notamment celui de la sincérité. Ce principe est un gage de l’intervention du parlement dans la mesure où il exige de la part du gouvernement, qu’il n’y ait pas de dissimulation. Bien que ce principe ne soit pas accompagné de possibilité de sanction et que le Conseil Constitutionnel n’a jamais censuré une loi de finances pour motif d’insincérité, il est quand même empreint de normativité dès lors que le Conseil Constitutionnel y fait référence. De plus, le Conseil Constitutionnel est le protecteur du parlement dans la mesure où il procède à la censure des cavaliers budgétaires, ainsi qu’à sa faculté à les soulever d’office. Certes les cavaliers budgétaires peuvent être d’origine parlementaire, mais l’origine peut être aussi gouvernementale. Or cette dernière hypothèse est plus courante dans la mesure où il s’agit pour le gouvernement d’inscrire en réalité dans son projet de loi de finances sa politique qui emprunte un domaine plus large parfois que la seule politique budgétaire.
En conséquence, le cycle vertueux qui suit une logique de performance et de démocratie, est protégé textuellement mais aussi par le juge constitutionnel qui prend le rôle de protecteur du parlement. Par surcroît c’est l’intervention parlementaire qui est doublement renforcée.
B. Les obstacles au chaînage vertueux : des obstacles internes et externes au parlement
Les textes et le juge Constitutionnel affermissent l’intervention du parlement. Dès lors ils organisent un chaînage vertueux. Cependant, ce cycle vertueux connaît des obstacles qui sont internes, mais aussi externes au parlement. Ces obstacles sont en effet politiques, mais aussi économiques et sociétaux. Ils doivent être combinés. S’ajoute à eux l’encadrement temporel de l’intervention du parlement. En conséquence, les obstacles combinés à un encadrement temporel constituent une limite à l’effectivité de l’intervention parlement.
Concernant l’encadrement temporel, il est problématique au regard de l’initiative parlementaire et donc du chaînage vertueux car concernant l’adoption de la loi de finances, le parlement a 70 jours, 40 jours pour l’Assemblée nationale et 20 jours en principe pour le sénat. Ce sont donc des délais limités, courts. Les deux chambres peuvent formuler des amendements. Cependant ceux-là doivent être obligatoirement motivés sous peine d’irrecevabilité. A ce titre, le président de la commission des finances doit analyser l’amendement. Le contrôle de l’amendement est un contrôle systématique comme a pu le souligner le Conseil Constitutionnel [vi]. Il doit surtout analyser la motivation de celui-ci. En effet, au regard de l’article 40 de la Constitution et de l’article 47 de la LOLF, les amendements doivent être obligatoirement motivés sous peine d’irrecevabilité. Il importe d’indiquer les actions qui sont concernées au sein de chaque programme qui est modifié par l’amendement en question. Cette exigence de motivation est très stricte, et le président de la commission mène un contrôle poussé. Or ce choix de l’obligation de motivation est un frein à l’initiative parlementaire en matière d’amendement mais aussi au cycle vertueux. Pourtant un tel choix n’est pas universel. Ainsi par exemple, en Allemagne l’irrecevabilité financière des amendements ne fait pas l’objet d’un examen préalable, mais les conséquences financières doivent être précisées. La logique est donc différente pour l’Allemagne, mais cela s’explique par le parlementarisme absolu. En somme, en France, il est laissé peu de temps comparativement au gouvernement qui élabore le projet de loi de finances, pour adopter le texte et déposer des amendements.
A cet encadrement procédural qui constitue une limite, c’est surtout une limite politique qui fait obstacle à l’effectivité de l’intervention parlementaire et in fine du chaînage vertueux. Il s’agit notamment de la problématique de l’opposition parlementaire. Ainsi que le souligne Alexis Fourmont, « le fait oppositionnel est capable de connaître une infinie diversité de nuances, allant de la coopération la mieux consentie à la compétition la plus résolue. Suivant les circonstances politiques, l’opposition respecte la « règle du jeu », mais il se peut qu’elle en abuse, au point de verser dans l’obstruction »[vii]. Or il est d’actualité que le fait oppositionnel aujourd’hui tend verser dans l’obstruction. Cela est problématique dans la mesure où le temps laissé aux parlementaires est limité pour amender et adopter le texte du gouvernement. Ce sont notamment des aléas économiques qui sont à l’origine de cette obstruction par le parlement. A ce titre il peut être mentionné l’exemple du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 qui est en ce moment même examinée par le palais du Luxembourg. Celui-ci a mené à des controverses parmi les parlementaires du palais bourbon. Ainsi les débats furent loin d’être rapides, le fait oppositionnel fut fortement marqué, les amendements déposés difficilement discutés.
C’est notamment pour ces raisons – l’encadrement temporel et le fait oppositionnel – qu’il est prévu dans la Constitution (ex : article 49 alinéa 3) mais aussi par la LOLF (article 45) des procédures d’urgence qui viennent interrompre le cycle vertueux dans la mesure où le Parlement voit son intervention écourtée. Elles constituent des alternatives au fait que les parlementaires auraient mis trop de temps à se prononcer. Par surcroît, la Constitution (article 47 alinéa 3) prévoit même que si le parlement n’a pas adopté dans le temps imparti la loi de finances, alors le gouvernement aurait la possibilité d’adopter les dispositions de la loi de finances par ordonnances. L’exigence de la continuité de la vie nationale est le fondement à cette limitation de l’intervention du parlement.
En outre, le cycle vertueux est soumis à plusieurs aléas. Certes l’intervention du parlement est limitée dans le temps et encadrée par les textes. Cependant, c’est surtout pour des raisons d’ordre politique et d’organisation au sein même du parlement, que l’intervention des parlementaires est limitée. Les deux justifications (juridiques et politiques) sont à lier.
[i] Camby, 2004, p.111
[ii] Le parlement et le processus budgétaire dans les pays en développement, modamed moindze juillet 2011
[iii] « Des invariants et des variants », expression employée par Jacques Caillosse lors de sa conférence « ce que le droit administratif nous apprend sur l’Etat », 2019.
[iv] Cf. not. le compte rendu n° 94 de la Commission des lois, séance du 28 juin 2018, p. 47
[v] Éléments pour une théorie parlementaire de la recevabilité financière, Alexis Fourmont, Issu de Revue française de finances publiques - n°146 - page 157 , 2019 , RFFP mai 2019, n° 146, p. 157
[vi] Cons.const, 14 juin 1978 ; Jean-Louis Pezant, « Le contrôle de la recevabilité des initiatives parlementaires. Eléments pour un bilan », Revue française de science politique, n° 1, 1981.
[vii] L'opposition parlementaire, un feuilleton trop tôt achevé, Alexis Fourmont, Issu de Petites affiches - n°136 - page 24 ,2018, LPA 9 juill. 2018, n° 137j0, p. 24
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